Psychologie

La crainte du supérieur hiérarchique peut prendre des formes multiples : appréhension silencieuse, stress disproportionné avant une réunion, inhibition soudaine face à une demande banale. Cette peur n’est pas toujours en lien avec le comportement réel du chef. Elle peut surgir même dans un environnement bienveillant, et s’accompagner d’un sentiment de honte difficile à formuler. Derrière cette réaction, il arrive que se rejoue une configuration bien plus ancienne : celle du rapport au père, perçu comme figure d’autorité toute-puissante, souvent idéalisée ou redoutée. Le supérieur devient alors le dépositaire d’un pouvoir symbolique qui dépasse largement sa fonction réelle.

L’autorité comme menace intérieure

La présence d’un chef peut activer une part archaïque du psychisme. Ce n’est pas l’homme ou la femme qui fait peur, mais ce qu’il ou elle incarne. L’autorité devient projection d’un surmoi rigide, d’un regard jugé impossible à satisfaire, voire d’un arbitraire insaisissable, hérité de relations parentales marquées par la peur ou la distance. Pour celui qui a grandi sous le regard exigeant, imprévisible ou absent d’un père, toute relation hiérarchique peut raviver l’angoisse de ne pas être à la hauteur, d’être humilié, ou d’être brutalement rejeté. Cette peur n’est pas rationnelle, mais elle structure en profondeur le rapport au pouvoir.

Exemple : Julien, tétanisé par les entretiens

Julien, 36 ans, occupe un poste à responsabilités dans une entreprise d’ingénierie. Compétent, investi, il est pourtant saisi de panique avant chaque échange avec son directeur. Il prépare ses points, anticipe les objections, dort mal la veille. Pourtant, son chef est réputé calme et mesuré. En séance, Julien évoque un père silencieux et autoritaire, dont les jugements étaient rares mais tranchants. Face à son supérieur, il ne voit pas un homme, mais un tribunal intérieur, qui le condamne d’avance. Son corps réagit avec une peur disproportionnée, comme s’il allait revivre un verdict ancien, sans appel.

La hiérarchie comme écran de projection

Dans ces cas, le rapport à l’autorité ne peut pas se penser de manière fonctionnelle, car le chef devient une figure totémique sur laquelle se cristallisent des affects infantiles. Ce n’est pas une personne à qui l’on parle, mais une instance qu’on subit. Le sujet ne peut plus poser une parole claire, faire valoir un désaccord ou exprimer une limite, car il est à nouveau enfant face à une figure paternelle absolue. Cette position empêche toute affirmation de soi, toute négociation. Elle enferme dans une posture de soumission ou de fuite, dont il est difficile de sortir sans travail d’élucidation.

Rendre le chef humain

Ce type de peur ne se règle pas par des techniques de communication ou des conseils en assertivité. Il suppose un travail plus profond sur les images parentales intériorisées, sur la capacité à différencier le supérieur réel de la figure archaïque qui lui est inconsciemment accolée. Le chef doit pouvoir redevenir un interlocuteur faillible, situé, non une autorité mystifiée. C’est en travaillant cette désidentification que l’on peut retrouver une marge d’action, une liberté de ton, une solidité intérieure face à la hiérarchie. Le père réel cesse alors d’habiter tous les chefs rencontrés.

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