Psychologie

Dans les espaces de travail partagés, la question de la place ne relève pas toujours d’un simple aspect pratique. Certains s’installent sans y penser, d’autres hésitent, tournent, ressentent un malaise diffus. Ce moment d’apparente banalité peut en réalité réactiver un conflit plus ancien : celui de la place symbolique que l’on croit mériter, occuper, ou qu’on redoute de perdre. L’open space, par sa flexibilité et sa logique déterritorialisée, met à nu ce qui, dans les liens précoces, s’est parfois construit dans le flou ou la compétition.

Une scène qui réveille les places infantiles

L’espace de travail n’est pas neutre : il renvoie chacun à une scène intérieure, souvent inconsciente. Où puis-je m’asseoir ? Est-ce que ce siège m’est « réservé » ? Est-ce qu’on va me le reprocher ? Derrière ces micro-interrogations se rejoue parfois un fantasme très ancien : celui de l’enfant dans la fratrie, cherchant sa place, sa visibilité, sa légitimité. Le bureau devient une scène de répartition symbolique, où la hiérarchie, même absente ou horizontale, est devinée, sentie, parfois projetée. S’installer, c’est alors affirmer son droit à exister dans le groupe.

Entre invisibilité et suradaptation

Certaines personnes, face à l’indécision spatiale, choisissent de s’effacer : elles s’installent toujours au même endroit discret, évitent les places centrales, ou s’adaptent à l’organisation sans jamais la contester. D’autres, au contraire, expriment une sensibilité exacerbée à l’occupation de l’espace, comme si chaque déplacement ou intrusion venait menacer un équilibre interne fragile. Ce n’est pas le lieu en soi qui pose problème, mais ce qu’il convoque comme mémoire affective : ai-je appris à m’imposer, à me retirer, à céder ou à revendiquer ? L’open space actualise sans le dire une dynamique de place parfois très ancienne.

L’exemple de Julien : toujours entre deux chaises

Julien, 35 ans, travaille dans un service informatique où les places ne sont pas attribuées. Chaque matin, il arrive tôt mais hésite longuement avant de s’installer. Il change souvent de siège, ne s’installe jamais deux jours au même endroit, comme s’il refusait inconsciemment de s’approprier un espace. Il dit ne pas vouloir déranger, se faire oublier. En séance, il évoque son enfance au sein d’une fratrie nombreuse où il devait « faire avec » et ne jamais réclamer. Ce qui se joue pour lui chaque matin, dans ce simple choix de chaise, est en réalité un théâtre silencieux de loyauté ancienne et de peur d’exister.

Trouver un psy