Psychologie

Face à certains films, rien ne passe : ni émotion, ni engagement, ni trouble. L’image glisse, le récit s’oublie, le spectateur reste à distance. Cette indifférence apparente n’est pas toujours le signe d’un manque de qualité du film, ni d’un simple désintérêt personnel. Elle témoigne souvent d’un travail inconscient de défense. Car le cinéma, par la puissance de ses images et de ses affects, sollicite en permanence notre appareil psychique. Lorsque ce qui est mis en jeu menace un équilibre intérieur, la réponse peut être l’indifférence, véritable armure contre l’intrusion de l’émotion. Regarder autrement cette absence de résonance, c’est en comprendre la logique défensive.

Le clivage comme premier rempart

L’une des défenses les plus fréquentes face à un film vécu comme trop impliquant est le clivage. Le spectateur dissocie : il regarde sans ressentir. L’image est perçue mais maintenue à distance, comme si elle concernait un autre. Ce mécanisme protège le Moi contre l’envahissement par des affects ou des souvenirs qu’il ne pourrait contenir. Le cinéma, en activant des zones sensibles, réveille parfois des enjeux inconscients douloureux : plutôt que de risquer de les rencontrer, le psychisme préfère instaurer un écran d’indifférence. Ce n’est pas que le film ne touche pas, c’est qu’il touche trop — et que le clivage vient en réponse.

Le refoulement face au contenu latent

L’indifférence peut aussi signaler un refoulement actif. Certains récits ou images réactivent des contenus inconscients trop menaçants pour être traités consciemment. Le spectateur ressent alors une forme de neutralité affective qui masque en réalité une défense contre ce surgissement. Un film sur la perte, sur l’abandon, sur des conflits archaïques peut ainsi susciter un rejet discret, un manque d’investissement émotionnel apparent. Là où d’autres spectateurs seront émus ou troublés, celui qui est touché dans son refoulé inconscient restera froid, protégé par le silence de l’affect.

L’évitement de la résonance identificatoire

Enfin, l’indifférence peut exprimer un évitement de l’identification. Certains films confrontent le spectateur à des figures ou des situations qui entreraient en résonance trop directe avec ses propres conflits. Pour ne pas risquer une identification douloureuse, le psychisme érige une barrière affective. Le film ne touche plus parce qu’il menace de toucher trop juste. Ce phénomène est particulièrement visible face à des films dits « intimes », où le risque de réactivation de blessures personnelles est fort. L’indifférence devient alors une manière d’éviter une plongée émotionnelle que le sujet ne se sent pas prêt à traverser.

Exemple : Ordinary People, un film que certains spectateurs rejettent

Dans Ordinary People de Robert Redford, le récit explore en finesse les effets d’un deuil traumatique sur une famille. Certains spectateurs se sentent profondément émus, d’autres en ressortent curieusement distants, voire critiques. Cette indifférence apparente peut signaler un travail de défense face à un contenu trop proche d’une souffrance personnelle : la perte, la culpabilité, les blessures familiales. Le film devient alors le révélateur d’une zone de vulnérabilité non élaborée. Ce qui ne touche pas en apparence parle souvent très fort en creux.

Quand l’indifférence en dit plus que l’émotion

Si certains films nous laissent indifférents, c’est qu’ils mettent en jeu des défenses qui cherchent à nous protéger de ce que nous ne sommes pas prêts à ressentir. Regarder autrement cette neutralité apparente, c’est comprendre que l’indifférence est parfois le signe d’une émotion refoulée, d’une identification évitée, d’un affect trop menaçant. Et qu’en ce sens, elle en dit souvent plus sur notre rapport intime au film que l’émotion manifeste.

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