Psychologie

Il nous arrive parfois de refermer un livre avec malaise, sans bien savoir ce qui nous a tant troublé. Certaines lectures déclenchent en nous des réactions de rejet, d’agacement ou de gêne disproportionnées. Ce n’est pas toujours l’œuvre elle-même qui est en cause, mais ce qu’elle vient réveiller de latent en nous. Pourquoi certains livres nous dérangent-ils autant ? Quelles défenses activent-ils et que révèlent-elles de notre monde intérieur ?

Une confrontation à l’inacceptable

Un livre peut devenir dérangeant lorsqu’il nous met en contact avec des représentations ou des affects que nous préférerions ignorer. Certains passages, certaines situations ou certains personnages viennent heurter nos défenses psychiques en franchissant les limites de ce que nous pouvons tolérer. Le malaise ressenti est alors le signe que des contenus refoulés affleurent. C’est moins le texte en lui-même que ce qu’il réveille en nous qui est en jeu : il fait émerger une zone d’ombre que nous tentons de tenir à distance.

Quand la lecture déstabilise les identifications

Un autre ressort du dérangement tient à l’atteinte de nos identifications. Nous nous construisons à travers des récits, explicites ou implicites, sur nous-mêmes et sur le monde. Un livre qui propose une vision contraire à ces récits, ou qui en montre les failles, peut provoquer une déstabilisation profonde. Ce que nous tenions pour acquis se fissure, et avec lui le sentiment de cohérence de notre identité. Le rejet de la lecture devient alors un moyen de restaurer l’équilibre interne menacé.

Exemple : une lecture insupportable

Marc, 47 ans, grand lecteur de romans policiers, a un jour abandonné un roman contemporain pourtant salué par la critique. Il explique avoir ressenti un profond malaise face au portrait d’un père défaillant, manipulateur et ambigu. En analyse, il a découvert que ce personnage faisait écho à des aspects de son propre père qu’il s’était toujours interdit de penser. Le rejet du livre était une défense contre la mise en contact avec une douleur ancienne non intégrée. L’œuvre avait ainsi joué le rôle d’un révélateur brutal.

Les livres comme révélateurs de conflits inconscients

Les œuvres qui nous dérangent activent souvent des conflits inconscients non résolus. Elles viennent mettre en scène, parfois à notre insu, des scénarios internes que nous redoutons. Une fiction sur l’abandon peut réveiller une peur archaïque, un essai sur la solitude une angoisse d’effondrement. Là où nous croyions lire à distance, nous nous trouvons soudain impliqués émotionnellement. Cette activation de la conflictualité interne explique la puissance de certaines réactions de rejet.

Accueillir le dérangement comme un signe

Plutôt que de fuir ces lectures, il est précieux d’interroger le malaise qu’elles suscitent. Le dérangement est souvent le symptôme d’une rencontre avec une part de nous que nous ne connaissions pas. En acceptant de rester au contact de ces affects, nous ouvrons un espace pour élaborer ce qui, autrement, resterait enkysté. Certains livres ne nous flattent pas, ils nous travaillent. Et c’est souvent dans ce travail, inconfortable mais fécond, que réside leur véritable valeur.

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