Psychologie

Dans certaines configurations professionnelles, le lien hiérarchique ne se réduit pas à une relation fonctionnelle. Il peut devenir le lieu d’une tension silencieuse, d’un mélange d’admiration, d’agacement et de rivalité. Le désir de prendre la place du chef n’est pas toujours nourri par une simple ambition ou par la volonté de faire autrement. Il peut réactiver un scénario plus ancien, plus enfoui : celui du conflit œdipien, dans lequel l’autorité représentée par le supérieur concentre à la fois l’interdit, l’envie et l’aspiration à la reconnaissance.

Une rivalité plus affective que stratégique

Il arrive que l’on se surprenne à observer son ou sa supérieur·e avec un regard critique, voire envieux, tout en redoutant l’idée même de prendre sa place. Cette ambivalence peut s’expliquer par des enjeux de pouvoir, mais elle révèle souvent une projection inconsciente sur la figure d’autorité, qui devient le dépositaire d’une puissance symbolique. Prendre sa place, c’est alors bien plus qu’évoluer dans l’organigramme : c’est tenter de sortir d’une position infantile, de s’émanciper, de se prouver qu’on peut exister seul, sans appui parental déguisé.

Exemple : Antoine, entre admiration et ressentiment

Antoine, 35 ans, est cadre dans une grande collectivité. Depuis quelques mois, il éprouve une irritation croissante envers son directeur : il le juge peu inspirant, trop rigide, voire dépassé. Pourtant, il avoue qu’il redoute qu’on lui propose un jour son poste. En séance, il évoque un père omniprésent, admiré et craint, à qui il n’a jamais vraiment pu s’opposer. Le supérieur devient alors une figure paternelle symbolique, à la fois repoussoir et modèle, dont la place cristallise une tension : vouloir la prendre sans jamais oser la réclamer franchement, comme s’il s’agissait d’un passage interdit.

Le pouvoir comme scène de réédition

Dans ces situations, la hiérarchie professionnelle devient un terrain de re-jeu : prendre la place du chef, ce n’est pas simplement changer de fonction, c’est aussi affronter un interdit symbolique. Le fantasme œdipien — prendre la place du père pour exister en tant que sujet et vivre l’amour interdit avec la mère — n’est pas littéral, mais il structure en arrière-plan certaines dynamiques d’ascension ou de blocage. C’est pourquoi certaines personnes évitent soigneusement toute promotion, ou sabotent inconsciemment leur propre avancement : elles redoutent la transgression plus que l’échec.

S’autoriser à grandir

Reconnaître cette dimension inconsciente permet d’aborder différemment son rapport à l’autorité. Il ne s’agit pas de nier la réalité du pouvoir, mais de se désengager des scénarios anciens qui le dramatisent. Prendre une nouvelle place devient alors un geste d’autonomie, non de revanche. On ne détrône pas, on se détache. C’est dans ce déplacement que peut s’installer une forme de légitimité apaisée, dégagée de la rivalité infantile. Le chef cesse d’être un obstacle, pour devenir un point de passage vers sa propre verticalité intérieure.

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