Psychologie

Dans un marché du travail compétitif, la capacité à s’adapter est souvent vue comme une qualité précieuse. Mais que se passe-t-il quand cette adaptabilité devient excessive, au point de dissoudre toute trace de désir personnel ? Certaines personnes, en recherche d’emploi, répondent à tout type d’annonce, ajustent leur profil aux attentes supposées, multiplient les candidatures sans jamais prendre le temps de s’interroger sur ce qu’elles veulent réellement. Ce comportement n’est pas toujours stratégique : il peut traduire l’emprise d’un faux self, une construction défensive qui pousse à correspondre, à plaire, à anticiper les besoins extérieurs plutôt qu’à s’écouter.

Postuler sans désir, pour éviter le choix

Ce réflexe de répondre à toutes les offres n’est pas uniquement motivé par la peur de l’échec ou par l’urgence matérielle. Il peut aussi masquer une angoisse plus profonde : celle de choisir. Choisir, c’est affirmer une préférence, s’exposer, se singulariser, mais aussi renoncer à d’autres options. En postulant partout, on évite ce moment décisif où il faut se positionner. Le faux self agit ici comme un bouclier : il protège de la déception, de la confrontation avec ses désirs véritables, mais il appauvrit le lien au travail, réduit l’engagement et génère une forme de vide intérieur. La candidature devient un exercice de conformité plus qu’une recherche de sens.

Exemple : Claire, diplômée mais indifférente à ses propres envies

Claire, 28 ans, a un master en communication. Depuis sa sortie d’études, elle a postulé à des dizaines d’offres, allant du secteur culturel au marketing agroalimentaire, sans réelle cohérence. Lorsqu’on l’interroge, elle dit qu’elle veut “juste travailler”. Mais au fil des échanges, elle reconnaît qu’elle ne sait plus ce qui l’attire. Elle se dit capable de tout faire, mais ne parvient plus à identifier ce qui la fait vibrer. Élevée dans une famille où il fallait “être adaptable”, “ne pas faire de vagues”, Claire s’est construite en absorbant les attentes extérieures. Son faux self efficace lui a permis d’avancer, mais aujourd’hui, il l’épuise et la désoriente.

Le faux self comme stratégie d’effacement

Winnicott décrivait le faux self comme une forme de protection contre l’intrusion ou le rejet. Dans le contexte de la recherche d’emploi, il pousse à se fondre dans des rôles supposés convenables, à répondre à des injonctions sans jamais faire émerger le moi authentique. Ce fonctionnement peut sembler fonctionnel à court terme, mais il engendre souvent un sentiment de vide, une impression d’irréalité ou de fatigue existentielle. Plus on postule sans désir, plus on se déconnecte de soi, et plus le travail – une fois obtenu – risque d’apparaître comme dénué de sens, voire aliénant.

Réhabiliter le désir dans l’acte de postuler

Sortir de cette logique de suradaptation ne signifie pas refuser tout compromis, mais reconnaître la place du désir dans le processus de candidature. Postuler avec discernement, c’est aussi se respecter, s’autoriser à exister en dehors du regard recruteur. Cela suppose parfois de ralentir, d’explorer ce qui fait sens, d’accepter les zones de flou et les parts de doute. Oser se dire inadapté à certaines offres, c’est déjà un pas vers l’authenticité. Dans ce mouvement, quelque chose du vrai self peut émerger : non pas un idéal figé, mais une direction vivante, plus incarnée.

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