Psychologie

Certaines personnes ne se sentent à l’aise au travail que lorsqu’elles sont dirigées par une autorité affirmée, claire, structurante. Elles valorisent la rigueur, l’organisation, la verticalité. Elles disent apprécier les “chefs qui tiennent leur rôle”, et se sentent déstabilisées dès que la hiérarchie flanche ou délègue. Ce besoin d’un cadre fort peut paraître rationnel. Mais il cache parfois une angoisse plus profonde : celle d’avoir à penser, choisir, exister seul, sans point d’appui externe suffisamment solide pour contenir le doute intérieur.

L’autorité comme tuteur psychique

Avoir grandi dans un environnement instable, flou ou trop permissif peut laisser une empreinte durable. Sans repère clair, le sujet apprend à rechercher à l’extérieur un cadre qui l’ordonne, le structure. Un chef fort devient alors non seulement un guide, mais aussi un garant d’un ordre psychique interne fragile. Ce n’est plus un simple responsable fonctionnel : c’est une figure de maintien, qui rassure par sa constance, sa fermeté, sa capacité à trancher. Le sujet délègue alors une partie de sa pensée à l’autre, par crainte de ce qui pourrait émerger s’il devait s’y confronter seul.

Exemple : Amandine, rassurée par la rigueur

Amandine, 40 ans, est coordinatrice dans une direction régionale. Elle a changé plusieurs fois de poste, mais toujours dans des structures à hiérarchie forte. Elle dit fuir “les chefs mous” et se sent vite perdue si les consignes ne sont pas strictes. En séance, elle évoque une mère absente et un père peu présent, souvent débordé, incapable de poser un cadre. Adolescente, elle s’était elle-même imposé un emploi du temps rigide. Le chef, pour Amandine, n’est pas seulement un supérieur : c’est une colonne vertébrale symbolique, sans laquelle elle craint de s’effondrer. Son besoin de direction ne repose pas sur une soumission, mais sur une peur de vaciller si elle devait tout penser seule.

Quand le chef pense à ma place

Ce type de rapport à l’autorité peut fonctionner… tant que le chef reste solide. Mais dès que l’autorité faiblit ou devient moins directive, une angoisse latente refait surface : celle de devoir décider sans garantie extérieure. Le sujet se sent abandonné, en déséquilibre, et peut réagir par de la colère, de la dévalorisation ou du retrait. Ce n’est pas tant le style de management qui est en jeu, que le rôle symbolique assigné au chef. L’autorité devient un bouclier contre l’angoisse de séparation, contre la pensée solitaire, contre le vertige d’une subjectivité laissée à elle-même.

Reconstruire son autorité intérieure

Sortir de cette dépendance symbolique ne signifie pas rejeter toute forme de hiérarchie, mais pouvoir reconnaître ce qui, dans la relation au chef, dépasse le contrat professionnel. Cela suppose de travailler la peur de penser seul, de tolérer le vide, le doute, la complexité non tranchée. C’est dans cette confrontation que peut émerger une autorité interne plus stable, moins dépendante du chef fort pour se sentir contenue. Le cadre externe redevient une aide, non une béquille. Et la pensée cesse alors d’être un risque pour devenir une affirmation de soi.

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