Psychologie

Certaines personnes, pourtant compétentes, refusent d’évoluer vers des postes à responsabilité. Elles déclinent des propositions d’encadrement, évitent les concours internes ou refusent les promotions implicites. À première vue, cela peut sembler relever d’un choix de confort, ou d’un rapport paisible à l’ambition. Mais pour d’autres, cette stagnation apparente s’explique par une dynamique plus profonde. Le refus d’accéder à la hiérarchie peut masquer une peur de s’exposer, de susciter la jalousie, ou de réveiller des conflits intérieurs liés à la rivalité et à la position d’autorité.

L’évitement de la position haute

Prendre une position hiérarchique, c’est s’exposer. Cela suppose d’être visible, d’exercer une forme de pouvoir, de se situer au-dessus dans la structure. Certaines personnes, en apparence modestes, ressentent une gêne profonde à occuper cette place. Ce n’est pas l’ambition qu’elles rejettent, mais l’insécurité que provoque cette montée symbolique. Être « au-dessus », c’est risquer de susciter le rejet, la critique, ou de réveiller une culpabilité liée au fait de prendre une place. Cette angoisse peut s’enraciner dans une histoire où toute affirmation de soi a été réprimée ou mal accueillie.

Un exemple : Sophie, entre compétence et retrait

Sophie, 37 ans, travaille dans l’administration depuis dix ans. Très appréciée, elle est régulièrement sollicitée pour des fonctions d’encadrement. Mais à chaque fois, elle refuse, évoquant un besoin de stabilité ou une envie de rester « dans le concret ». En séance, elle évoque une fratrie où elle a toujours minimisé ses réussites pour ne pas « faire d’ombre » à ses frères. Prendre une place visible réactive chez elle un conflit intérieur entre désir de reconnaissance et peur de déclencher une rivalité destructrice. Ce qu’elle évite dans la hiérarchie, ce n’est pas la charge de travail, mais la réactivation de cette tension archaïque entre affirmation et exclusion.

La hiérarchie comme scène transférentielle

Dans l’imaginaire inconscient, occuper un poste élevé peut faire rejouer des conflits non résolus avec les figures d’autorité ou avec les pairs. Être chef, c’est parfois rejouer la place du parent, et donc activer des défenses liées à l’interdit ou à la culpabilité. Certains évitent cette position pour ne pas être vécus comme injustes, autoritaires ou illégitimes. D’autres redoutent de devoir gérer des rivalités ouvertes, comme si le pouvoir rendait automatiquement vulnérable ou attaquable. Ce n’est pas un choix serein, mais une stratégie de survie psychique : rester à une place qui n’expose pas.

Vers une ambition réconciliée

Refuser la hiérarchie n’est pas problématique en soi, mais il importe de distinguer le choix libre d’une position dictée par la peur. Lorsque l’on renonce systématiquement à prendre de la place, il peut être utile d’interroger ce que l’on cherche à éviter : conflit, solitude, culpabilité, ou effondrement narcissique. Retrouver une liberté d’évoluer passe alors par la reconnaissance de ces mouvements inconscients. Ce n’est qu’en les nommant qu’on peut décider, en conscience, de sa place. Ne pas monter n’est plus une fuite, mais un choix réellement posé.

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