Psychologie

Certaines personnes détournent immédiatement un compliment. Elles le minimisent, le relativisent, ou y répondent par une gêne manifeste. Dans le cadre professionnel, ce réflexe peut sembler être de la pudeur ou de l’humilité. Mais pour d’autres, il traduit une incapacité plus profonde à se laisser atteindre par une reconnaissance positive, comme si l’image de soi ne pouvait pas accueillir la valeur qu’on lui renvoie. Le compliment devient alors une épreuve plutôt qu’une gratification, car il met en lumière un espace intérieur mal consolidé, où la fierté semble suspecte, voire dangereuse.

Une défense contre l’intrusion

Recevoir un compliment implique de se laisser affecter, de s’autoriser à croire que ce que l’on a fait est bien, suffisant, digne d’être remarqué. Mais pour certaines personnes, cette validation crée une tension insupportable : cela les expose à un regard qu’elles ne contrôlent pas, à une image d’elles-mêmes qu’elles ne reconnaissent pas. Elles préfèrent rester dans une posture basse, presque auto-dénigrante, qui les protège d’un éventuel revers, d’une future critique, ou d’une déception. Le compliment glisse, ne touche pas, car il activerait une conflictualité trop ancienne autour de la valeur personnelle.

Exemple : Marion, la fuite devant l’éloge

Marion, 34 ans, est infirmière. Très appréciée, elle reçoit souvent des remerciements sincères de patients ou de collègues. Mais elle change de sujet, répond “ce n’est rien”, ou se dit “mal à l’aise” quand on la félicite. En séance, elle évoque une enfance marquée par un père silencieux et une mère perfectionniste, pour qui les réussites étaient “normales” et les échecs à peine tolérés. Marion n’a jamais appris à se réjouir de ce qu’elle faisait bien, car il fallait toujours faire plus, mieux, sans relâche. Le compliment l’oblige à se voir, et cette exposition réveille une vieille gêne, difficile à nommer.

Une estime de soi clivée

Dans ces configurations, l’image de soi est scindée : il y a ce que l’on fait objectivement bien, et la représentation intérieure qui ne s’y relie pas. L’estime personnelle reste figée dans un rapport critique, souvent hérité, qui empêche toute intégration de la valeur réelle. Le compliment est perçu comme exagéré, suspect ou passager. Il ne nourrit pas, ne répare pas. Il menace même parfois un équilibre fondé sur la discrétion, l’effacement, ou la performance silencieuse. Il faut alors apprendre à ne plus confondre valorisation et prétention, reconnaissance et narcissisme excessif.

Réapprendre à accueillir

Recevoir un compliment ne suppose pas d’y croire aveuglément, mais de pouvoir l’entendre sans se sentir menacée ni imposteur. Cela demande un travail de réconciliation intérieure : reconnaître ses qualités sans les transformer en preuve, ses réussites sans les opposer à ses failles. Accepter la reconnaissance extérieure, c’est aussi se permettre une forme d’appui interne, un ancrage plus apaisé dans ce que l’on est et ce que l’on fait. Le compliment, alors, ne devient plus une pression ni une gêne, mais un lien possible.

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