Fonctionnaire : comment s’inscrire dans une relation apaisée avec l’État

Dans l’imaginaire collectif, l’État est souvent perçu comme une entité abstraite, autoritaire ou froide. Pourtant, pour ceux qui travaillent à son service, il devient une présence concrète, quotidienne, et parfois ambivalente. Certains fonctionnaires vivent cette relation de manière sereine et équilibrée, d’autres la traversent avec tension, méfiance ou résignation. Travailler pour l’État engage plus qu’un simple lien contractuel : cela réveille des représentations anciennes du pouvoir, de la loyauté, de la dette ou de la protection. Trouver une position juste et apaisée dans ce rapport demande souvent un travail intérieur de clarification.
L’État comme figure symbolique
Dans l’inconscient, l’État n’est pas qu’un employeur : il représente une autorité supérieure, une instance à laquelle on obéit, qu’on redoute, ou qu’on cherche à satisfaire. Certaines personnes y projettent une figure parentale idéalisée ou persécutrice, selon leur histoire. Pour les uns, l’État offre la stabilité, la reconnaissance, la légitimité. Pour d’autres, il incarne la lenteur, l’injustice ou l’oubli. Cette perception ne dépend pas uniquement de l’expérience professionnelle actuelle, mais aussi des représentations construites bien avant l’entrée dans la vie active. Comprendre cette projection permet de commencer à s’en dégager.
Un exemple : Valérie et la peur d’être jugée
Valérie, 46 ans, travaille dans la fonction publique hospitalière depuis plus de vingt ans. Elle se sent à la fois profondément loyale et constamment sur la défensive. Elle anticipe les reproches, redoute les contrôles, évite les conflits même mineurs. Lorsqu’elle évoque l’État, elle parle de « là-haut », d’un pouvoir lointain qui pourrait sanctionner à tout moment. En explorant son histoire, elle met en lien cette posture avec une enfance marquée par un père autoritaire, exigeant, dont elle craignait sans cesse la désapprobation. Pour elle, travailler pour l’État, c’est encore obéir à une figure toute-puissante dont il faut mériter la bienveillance.
Quand la loyauté devient enfermante
Certain·es fonctionnaires entretiennent avec l’État une loyauté totale, parfois au détriment d’eux-mêmes. Ils ne remettent rien en question, absorbent les dysfonctionnements, acceptent les changements sans mot dire. Ce rapport peut être le signe d’une fidélité inconsciente à une structure qui, dans leur imaginaire, donne une place mais exige un renoncement personnel. Travailler pour l’État devient alors un devoir moral plus qu’un engagement réfléchi. Cette posture, valorisée dans certains milieux, finit par user. Elle empêche toute mise à distance critique, tout ajustement au réel. La relation n’est plus vivante, elle devient soumission intériorisée.
Vers un rapport adulte à l’institution
S’inscrire dans une relation apaisée avec l’État suppose de désymboliser partiellement cette instance, de la considérer comme un cadre de travail avec ses règles, ses limites, mais aussi ses marges. Il s’agit de sortir de la position d’enfant — docile ou révolté — pour se situer comme adulte au sein de la structure. Cela passe par un recentrage sur ce que l’on choisit de faire, sur les valeurs que l’on souhaite incarner, sans se confondre avec l’institution elle-même. Ce mouvement d’ajustement intérieur permet de retrouver un espace de respiration, où l’on peut appartenir sans s’oublier.