Psychologie

Dans de nombreuses équipes, certains salariés finissent par incarner une figure rassurante, structurante, polyvalente. Ils sont ceux vers qui l’on se tourne spontanément, ceux qui absorbent les urgences, qui “tiennent” quand les autres flanchent. Cette place, rarement désignée officiellement, leur confère une reconnaissance silencieuse. Mais elle peut aussi devenir une prison discrète, un rôle si bien intégré qu’il en masque le sujet. Car sous l’image de fiabilité peut se loger une fidélité ancienne, une loyauté invisible à des fonctionnements passés, familiaux, affectifs, qui n’ont jamais été questionnés.

La surcharge comme mode de lien

Dans certains cas, le fait de tout porter n’est pas un choix conscient, mais une manière d’exister. Prendre en charge les tâches, les tensions, les oublis, les incertitudes donne une place, assure une continuité, évite le vide. Celui qui se surinvestit ne le fait pas uniquement pour les autres : il le fait pour se maintenir dans un rôle stable, identifiable, valorisé. Mais ce rôle finit par se refermer. Car plus on devient indispensable, moins on est libre. Et plus on prend soin de l’équilibre collectif, plus on risque de perdre son propre axe.

Exemple : Malik, l’homme de confiance épuisé

Malik, 47 ans, travaille depuis douze ans dans une régie technique. Il est “la mémoire” de l’équipe, celui à qui l’on demande, celui qui connaît tout, celui qui ne refuse jamais. Mais depuis un an, il se sent vidé. Il n’a pas envie de se plaindre, mais il commence à se sentir “à côté de lui-même”. En séance, il formule : “J’ai l’impression que je ne suis plus une personne, juste un rouage utile.” Quand il décide de prendre du recul, de refuser certaines tâches, les premières réactions sont déstabilisantes. Mais peu à peu, il découvre que renoncer à tout porter ne l’exclut pas : cela le rend à nouveau vivant.

Le mieux-être comme mouvement intérieur

Renoncer à une surcharge invisible ne passe pas par une démission visible, mais par un déplacement psychique. C’est le choix de cesser de se définir par la charge, de se desserrer d’une loyauté muette. Ce mouvement n’est pas égoïste : il est nécessaire. Il permet au sujet de retrouver une part d’initiative, de désir, de vide habitable. Et, paradoxalement, ce retrait ouvre un espace collectif différent. Car celui qui cesse de tout porter libère aussi les autres de leur dépendance. Le mieux-être ne naît pas de ce qu’on reçoit, mais de ce qu’on cesse de tenir seul.

Vers une place plus juste, moins sacrificielle

C’est dans cette sortie de la suradaptation que peut émerger une autre forme de lien : un lien où l’on existe par ce que l’on est, non par ce que l’on compense. La loyauté reste, mais elle se transforme : elle n’est plus une dette, elle devient un engagement libre. Et dans cette nouvelle place, moins tendue, moins fusionnelle, une part de soi retrouve sa respiration. Le collectif, lui aussi, s’ajuste. Il découvre que l’équilibre n’a pas besoin d’un porteur invisible. Il tient aussi quand chacun reprend son poids propre, sans charge superflue.

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