Psychologie

Certains jouent pour découvrir, d’autres pour se dépasser. Mais pour une part silencieuse de joueurs et de joueuses, le jeu vidéo devient un mécanisme de protection plus profond : une manière de s’immerger totalement pour ne plus rien sentir. L’univers virtuel, par son intensité, ses règles codées et son efficacité à capter l’attention, peut agir comme une couverture émotionnelle. Derrière l’engagement total dans le jeu se dissimule parfois un besoin impérieux : éteindre temporairement les affects douloureux, suspendre la vie intérieure pour ne plus être traversé par elle.

L’absorption comme anesthésie

Les jeux les plus immersifs ne permettent pas seulement de s’évader : ils absorbent. L’attention est happée, le corps est fixé, le mental suspendu. Ce mécanisme d’absorption crée une forme d’anesthésie affective, où l’on ne ressent plus ni tristesse, ni vide, ni tension. Le joueur ou la joueuse entre dans une bulle cognitive où tout est occupé, maîtrisé, canalisé. Ce n’est pas le plaisir du jeu qui domine, mais le soulagement qu’il procure en éteignant ce qui fait mal ou déborde.

Un monde alternatif pour neutraliser le réel

L’univers du jeu offre une réalité secondaire, plus stable, plus lisible, plus maîtrisable. Il ne parle pas, ne juge pas, ne renvoie aucune image blessante. Pour celles et ceux qui vivent avec des affects trop violents ou trop enfouis, le virtuel devient une échappatoire douce et efficace. On s’y fond pour ne plus être soi, ou pour ne plus sentir ce que l’on est devenu. Ce n’est pas un oubli, mais une suspension. Une forme de fuite silencieuse, là où la vie réelle semble trop exposante, trop exigeante ou trop vide de sens.

L’exemple de Clara, 30 ans

Clara joue à un jeu de simulation de vie depuis plusieurs années. Elle y passe plusieurs heures par jour, créant des personnages, organisant des existences fictives qu’elle contrôle à la perfection. Elle dit que ces moments “la tiennent debout”, qu’elle s’y “sent en paix parce qu’il ne se passe rien de vrai”. Dans sa vie, Clara a connu une rupture amoureuse brutale, suivie d’une période de grande solitude. Elle ne pleure jamais. Ne parle pas de sa souffrance. Le jeu est devenu son refuge : un espace émotionnel neutre, où elle peut exister sans être traversée.

De l’endormissement affectif à la réapparition de soi

Se plonger dans un univers virtuel pour ne plus ressentir peut être, un temps, une stratégie de survie psychique. Mais si ce mécanisme devient systématique, il empêche le retour à soi. L’émotion suspendue n’est pas évacuée : elle est figée, en attente, muette. Le risque n’est pas la fuite elle-même, mais l’absence prolongée de toute reconnection intérieure. Pour que le jeu ne devienne pas un oubli de soi, il faut parfois oser réentendre ce que l’on avait choisi de taire.

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