Psychologie

Il n’est pas rare qu’un joueur ou une joueuse évoque avec émotion un monde vidéoludique qu’il ou elle a parcouru des heures durant, comme un lieu familier. Certains univers ne sont pas seulement explorés : ils sont habités. On s’y sent bien, comme chez soi. Mais d’où vient ce sentiment d’appartenance à un espace qui n’existe pas ? Que signifie cette sensation d’intimité avec un lieu purement numérique, et pourquoi certains y retournent encore et encore, comme à une maison intérieure ?

Une maison psychique transposée

Ce qu’on appelle « se sentir chez soi » ne relève pas seulement d’un confort ou d’une routine. C’est une manière d’être en lien avec un espace qui nous contient, nous accueille, nous reconnaît sans condition. Dans certains jeux, l’univers proposé répond à ces besoins de façon symbolique. Un décor apaisant, une musique répétitive, une liberté d’action sans pression : autant d’éléments qui réactivent un sentiment primaire d’enveloppement. On ne joue plus seulement : on réside. Le monde fictif devient une chambre interne, un lieu-refuge psychique.

Le refuge d’un réel éprouvant

Pour de nombreuses personnes, le réel n’offre pas toujours de lieu habitable au sens subjectif. Trop bruyant, trop instable, trop contraignant. Le monde du jeu vient alors offrir une alternative : un espace maîtrisé, prévisible, dans lequel on n’a pas à se justifier. Le sentiment de familiarité naît d’une répétition apaisante. Le décor numérique absorbe les tensions, les doutes, les demandes du dehors. On y entre comme on ferme une porte, pour respirer. Cette expérience de refuge n’est pas infantile : elle permet parfois de tenir debout.

L’exemple d’Arthur, 37 ans

Arthur revient presque chaque soir dans un jeu d’exploration à monde ouvert qu’il a déjà terminé. Il n’y a plus rien à y faire, mais il s’y promène, y écoute les sons, observe les changements de lumière. Il dit que “ce monde-là ne lui demande rien, mais le reconnaît”. Dans sa vie quotidienne, Arthur traverse une période de remise en question : séparation, déménagement, perte de repères. Le monde du jeu est devenu son point fixe, son lieu d’ancrage symbolique. Il ne le fuit pas : il s’y restaure. Il y trouve un chez-lui temporaire, là où son environnement réel est trop mouvant.

Reconstruction symbolique ou isolement défensif ?

Se sentir chez soi dans un univers fictif peut être une étape réparatrice. Mais si ce sentiment devient exclusif, il peut aussi traduire un repli, une difficulté à investir le monde réel. L’équilibre est subtil : entre refuge nourrissant et évitement protecteur. Le jeu devient alors un révélateur de ce que l’on cherche à reconstruire en soi : une sécurité intérieure, un rythme propre, une forme de reconnaissance silencieuse. Le monde du jeu, plus que le décor, devient le miroir d’une maison psychique manquante.

Habiter un lieu pour retrouver un soi

Certains mondes nous touchent parce qu’ils savent accueillir ce qui, en nous, reste introuvable ailleurs. Se sentir chez soi dans un espace fictif, c’est parfois retrouver la sensation d’être à l’endroit juste, en dehors de toute épreuve. Ce sentiment est précieux. Il permet de se reconstituer, de ressentir un ancrage symbolique qui manquait. Il ne s’agit pas de rester à jamais dans le virtuel, mais de reconnaître ce qu’il nous permet de traverser. Et peut-être, de repartir plus entier vers le réel.

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