Psychologie

Dans certains parcours, le travail devient plus qu’un simple lieu d’activité ou de reconnaissance. Il devient un espace total, absorbant, dans lequel la personne se définit entièrement. Être efficace, disponible, indispensable n’est plus un choix mais une nécessité silencieuse. Ce surinvestissement masque souvent une image de soi fragile, instable, qui cherche dans la fonction professionnelle un cadre identitaire fixe, rassurant, validant. Le poste fait alors office de masque, qui permet d’éviter un rapport plus incertain à soi-même, fait de doutes, de manques et d’aspérités non intégrées.

S’oublier dans la fonction

Lorsque le doute identitaire est trop menaçant, la fonction devient une armure. On se confond avec son poste, son titre, sa fiche de mission. Plus on donne, plus on s’efface en tant que sujet singulier. La valeur personnelle est alors entièrement déléguée à la fonction occupée, et l’on s’interdit d’exister en dehors d’elle. Il devient difficile de dire “je” sans parler du travail, de ses responsabilités, de ses résultats. Ce mécanisme défensif rassure en donnant une place claire, mais il enferme aussi, en empêchant toute remise en question sans qu’elle soit vécue comme une menace d’effondrement.

Exemple : David, tout entier dans son métier

David, 43 ans, est chef de service dans un hôpital. Impliqué, structuré, toujours sur le pont, il incarne la figure du professionnel modèle. Mais dès qu’il prend quelques jours de congé, il devient agité, irritable, parfois même déprimé. En séance, il confie que le vide lui fait peur, qu’il ne sait pas quoi faire sans son travail. Le poste le contient, le définit, le protège de la sensation d’inconsistance. Plus jeune, il a longtemps été le “bon élève”, celui qui ne posait pas de problème, mais qui ne savait pas vraiment qui il était. Sa fonction actuelle prolonge cette position : être impeccable pour ne pas sentir ce qui vacille à l’intérieur.

L’illusion de solidité

À force de tenir son rôle à la perfection, la personne donne l’image d’une solidité à toute épreuve. Mais cette image repose sur un équilibre précaire, car tout ce qui fragilise la fonction menace aussi l’identité. Une réorganisation, une nouvelle direction, un changement de périmètre peuvent générer une angoisse massive, bien au-delà des enjeux réels. Le poste devient non seulement une place sociale, mais un contenant psychique. Le moindre doute professionnel se transforme alors en crise existentielle, révélant la dépendance silencieuse à cette construction.

Se désidentifier pour se retrouver

Sortir de cette logique ne suppose pas de renoncer à son engagement, mais de faire exister un espace intérieur en dehors du rôle professionnel. Il s’agit d’oser une forme de décentrement : être plus que sa fonction, tolérer l’imperfection, la fluctuation, le désaccord. Cela permet de réintroduire du jeu, du mouvement, du lien entre l’identité intime et l’activité exercée. Se désidentifier du rôle ne veut pas dire cesser de s’impliquer, mais habiter différemment sa place, depuis un socle moins défensif. C’est là que peut se construire une autorité intérieure réelle, dégagée de la peur du vide.

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