Psychologie

Le télétravail, longtemps marginal, est devenu une norme partielle dans de nombreux secteurs. Loué pour sa souplesse, il incarne une forme de libération du cadre rigide de l’entreprise. Mais cette liberté apparente est souvent traversée par des ambivalences profondes. Car travailler chez soi, c’est aussi se soustraire à une scène sociale, à un regard, à une présence. Si certains y trouvent un espace de respiration, d’autres y perçoivent un isolement subtil, une dilution du lien, voire une perte de repères internes.

Une liberté qui protège

Le télétravail offre un allègement sensible de la pression sociale. Plus besoin de se montrer, de performer dans des interactions constantes, de subir la promiscuité du collectif. Cette mise à distance du cadre partagé permet souvent un retour à soi, une qualité de concentration, un rythme plus organique. Pour beaucoup, c’est un soulagement psychique : le travail retrouve un espace plus intime, moins exposé. Loin des bureaux ouverts, des réunions bruyantes, du bruit du monde, le télétravail devient une chambre intérieure, un sas de recentrage.

Une absence qui isole

Mais cette protection a un envers. Loin du regard de l’autre, le sujet peut aussi perdre certains appuis symboliques. Le collectif ne sert pas seulement à s’évaluer ou se comparer, il contient, cadre, rythme l’existence. Travailler seul, c’est parfois travailler sans adresse, sans scène. Pour certains, cela ouvre un espace créatif. Pour d’autres, cela érode la vitalité. Ce n’est plus seulement l’absence de l’autre, c’est l’absence de soi dans un monde partagé. Le télétravail ne provoque pas forcément une coupure brutale, mais il accentue les lignes de fracture déjà présentes entre le dedans et le dehors.

L’exemple de Jérôme : se libérer… mais de quoi ?

Jérôme, 36 ans, a choisi de télétravailler à temps plein depuis deux ans. Il affirme y gagner en efficacité, en confort, en tranquillité. Mais il confie aussi qu’il voit de moins en moins ses collègues, qu’il oublie parfois de parler à voix haute pendant plusieurs jours. Ce qu’il vit comme un gain de liberté semble parfois se confondre avec une forme de repli. Quand il retourne au bureau une fois par mois, il se sent maladroit, en décalage, comme s’il avait désappris le lien. Ce qu’il croyait maîtriser le confronte en réalité à un vide qu’il n’avait pas anticipé.

Le regard de l’autre comme lieu psychique

Derrière le choix du télétravail se joue souvent une dialectique plus intime. Loin du bureau, on se sent moins jugé, mais aussi moins vu. Et ce regard absent, s’il soulage dans un premier temps, peut laisser émerger une sensation d’effacement. Le cadre spatial n’est jamais neutre : il soutient, contraint, mais aussi révèle. La disparition du lieu collectif peut ainsi raviver des angoisses plus anciennes : celles de ne pas exister hors du regard, de ne pas être contenu par une structure. Choisir le télétravail, c’est donc parfois fuir l’autre… mais aussi l’espace psychique que l’autre offrait malgré lui.

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