Psychologie

Dans toute situation d’apprentissage, il existe une dynamique visible — celle de la transmission de savoir — et une dynamique plus souterraine : celle du transfert. Le formateur n’est jamais seulement un enseignant. Il devient, souvent à son insu, le support d’une projection affective inconsciente qui le place tour à tour en figure de guide, de parent nourricier ou de rival menaçant. Ce que l’on reçoit de lui ne dépend pas uniquement de ses compétences, mais aussi de la place psychique qu’il vient occuper dans l’histoire de celui ou celle qui apprend.

Le transfert dans l’apprentissage

Être en position d’élève, même adulte, réactive des souvenirs sensoriels, des émotions anciennes, des modèles intériorisés. Le formateur, en fonction de sa posture, de sa manière d’évaluer, de soutenir ou de frustrer, peut réveiller une multitude de représentations affectives. Certains se sentent portés, reconnus, d’autres au contraire humiliés, jugés ou invisibilisés, sans que le contenu du cours ne change. Ce qui est en jeu, ce n’est pas le savoir, mais la manière dont il est investi psychiquement. Apprendre devient alors un acte relationnel profond, traversé par des affects qui échappent à la conscience.

L’ambivalence des figures d’autorité

Dans certains cas, le formateur est idéalisé : il représente la figure du parent bon, protecteur, soutenant. Dans d’autres, il devient un adversaire intérieur, une autorité ressentie comme injuste ou intrusive. Ces mouvements de rejet ou d’idéalisation ne parlent pas uniquement du formateur réel, mais de celui que l’on porte en soi, façonné par les expériences infantiles. L’enjeu n’est pas simplement pédagogique : c’est un théâtre de places symboliques, où se rejouent les conflits non digérés avec les figures d’autorité du passé. L’acceptation ou le refus de l’apprentissage est alors fortement lié à la capacité d’investir la relation sans être submergé par ces projections.

L’exemple d’Aurélie : apprendre malgré la rivalité

Aurélie, 36 ans, suit une formation en gestion d’équipe. Elle apprécie les contenus mais se sent constamment en tension avec la formatrice, une femme plus âgée et très affirmée. Elle se sent “écrasée” par elle, a du mal à parler en groupe, doute de ses réponses même quand elles sont justes. En séance, elle évoque une sœur aînée très brillante, avec qui elle a toujours été en rivalité implicite. Ce n’est pas la formatrice qu’elle redoute, mais la place qu’elle réactive en elle : celle de la cadette, toujours en position d’infériorité. Reconnaître ce transfert lui permet peu à peu de desserrer l’étau, de redevenir apprenante, sans se sentir menacée.

Une pédagogie du lien symbolique

Les situations de formation gagneraient à intégrer cette dimension transférentielle, souvent négligée. Ce qui se joue dans l’apprentissage n’est pas seulement de l’ordre de la compétence, mais du lien psychique que l’on peut ou non nouer avec la personne qui transmet. Pour l’apprenant, identifier ces mouvements peut permettre de mieux comprendre ses blocages. Pour le formateur, en avoir conscience permet d’accueillir sans s’y perdre, de proposer une autorité souple, suffisamment contenante pour soutenir, sans réactiver de blessures anciennes. Apprendre, c’est aussi traverser une relation.

Trouver un psy