Psychologie

Certaines personnes semblent ne fonctionner qu’en situation d’urgence. Elles s’activent lorsque la pression monte, repoussent les échéances jusqu’à la dernière minute, et déploient alors une énergie impressionnante. Ce mode de fonctionnement est souvent valorisé dans certaines cultures professionnelles. Mais derrière cette efficacité sous tension se cache parfois un besoin inconscient plus profond : celui d’exister à travers la crise, de se rendre indispensable pour ne pas se confronter à une sensation de vacuité.

L’urgence comme moteur existentiel

Ce n’est pas tant l’efficacité qui est recherchée que l’intensité. Le stress génère un état d’alerte qui réactive une vitalité intérieure, donne une direction, mobilise. Ce surinvestissement de l’urgence permet souvent d’échapper à une forme d’ennui existentiel ou de flottement identitaire. Tant que l’on court, que l’on agit, que l’on éteint des feux, on ne se sent pas inutile. Le calme, à l’inverse, peut être insupportable. Il renvoie à une forme de silence intérieur qui fait peur, un vide où la question du désir véritable pourrait émerger.

S’user pour se prouver qu’on existe

Dans ce fonctionnement, le corps est souvent mis à rude épreuve. Fatigue, tensions, sommeil perturbé : autant de signes ignorés au profit de la productivité. Mais cette usure est parfois une manière paradoxale de se sentir vivant, d’avoir une preuve tangible que l’on sert à quelque chose. Travailler dans l’urgence devient alors un moyen de se rendre nécessaire, irremplaçable, voire sacrificiel. On se brûle pour se prouver qu’on compte. Ce n’est pas une stratégie consciente, mais une réponse à une insécurité affective plus ancienne : si je ne suis pas utile, est-ce que j’ai encore une place ?

L’exemple de Claire : exister dans la pression

Claire, 37 ans, travaille dans un service hospitalier où les urgences sont fréquentes. Elle dit ne jamais s’arrêter, même en dehors des périodes de crise. Ses collègues l’admirent, mais elle reconnaît qu’elle se sent “vide” dès qu’elle lève le pied. Les périodes plus calmes la rendent irritable, comme si elle perdait sa fonction. En séance, elle évoque une enfance où elle devait constamment « faire attention à tout », être utile pour maintenir la paix familiale. L’urgence, pour elle, n’est pas un accident du travail : c’est une scène connue, presque rassurante, où elle sait qui elle est.

Apprendre à désactiver la course

Sortir de ce fonctionnement ne signifie pas devenir inefficace, mais accepter de rencontrer un autre rapport à soi. Cela suppose de tolérer le manque de tension, d’écouter ce qui surgit quand l’agitation s’éloigne, d’affronter une question plus silencieuse : « Que suis-je sans l’urgence ? » Ce mouvement n’est pas facile, car il confronte à une identité moins spectaculaire, mais plus stable. Apprendre à travailler sans brûler, c’est aussi apprendre à exister sans devoir se prouver. C’est une forme de maturité psychique autant que professionnelle.

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