Psychologie

Dans certains jeux vidéo ou jeux de plateau numériques, la manipulation fait partie des règles : bluffer, détourner, feinter. Cette possibilité n’étonne personne, elle est même souvent source de plaisir. Mais pour certains joueurs, cette liberté ludique devient un terrain d’expression plus profond : le jeu devient un espace où s’exerce une part ambivalente de leur fonctionnement relationnel, souvent contenue ou interdite dans la vie réelle. On y teste, sans le dire, ce que l’on ose à peine penser : trahir, dominer, tirer les ficelles.

Mentir sans culpabilité apparente

Dans le cadre ludique, mentir ne fait pas de mal réel. Il est autorisé, parfois encouragé. Cette légitimité symbolique permet à certains d’explorer une part d’eux-mêmes qu’ils brident ailleurs. Ce n’est pas le mensonge qui est savoureux, mais la possibilité d’exister autrement : rusé, caché, non lisible. Le plaisir vient autant de la victoire que du fait d’avoir échappé à l’étiquette habituelle. Le jeu révèle alors une tension entre le besoin d’être vu et celui de rester opaque.

La manipulation comme pouvoir silencieux

Pour des joueurs qui se sentent impuissants ou sous-estimés dans leur vie, le jeu devient un espace de revanche discrète. Manipuler, c’est reprendre du pouvoir, sans confrontation directe. On ne s’affirme pas frontalement, on influence. Cela répond parfois à une logique plus ancienne : devoir contourner, esquiver, calculer pour exister. Ce comportement, s’il devient automatique, signale un rapport au lien basé sur la méfiance ou la peur d’être dominé à son tour.

L’exemple de Jérôme, 38 ans

Jérôme adore les jeux d’enquête en ligne ou les parties de bluff. Il gagne souvent, non pas par stratégie visible, mais par discrète manipulation. Il dit que “ce qu’il préfère, c’est qu’on ne le voie jamais venir”. Dans la vie, Jérôme se montre effacé, peu conflictuel, toujours accommodant. Mais dans le jeu, il se transforme : contrôle les récits, détourne les soupçons, orchestre les retournements. Il découvre là une forme de pouvoir qui le soulage sans l’exposer, mais qui trahit aussi une grande méfiance à l’égard du lien direct.

Entre liberté ludique et mise en scène de soi

Mentir ou manipuler dans le cadre du jeu n’est pas en soi pathologique. Mais lorsque ces gestes deviennent systématiques, ils dessinent une signature relationnelle plus profonde. Le jeu révèle ce que l’on tait ailleurs : la peur de la domination, le besoin de maîtriser les autres pour ne pas être dominé soi-même, ou le refus de toute transparence. Le mensonge ludique devient alors l’ombre d’un rapport à l’autre chargé d’ambivalence, entre envie de lien et protection radicale.

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