Toujours vouloir bien faire : performance ou peur de décevoir ?

Certaines personnes vivent leur quotidien professionnel sous le signe d’une exigence permanente. Elles veulent bien faire, être reconnues pour leur sérieux, ne jamais laisser place à l’erreur. Cette attitude, souvent valorisée par l’environnement de travail, cache parfois une angoisse plus sourde : celle de ne pas être à la hauteur, de décevoir, de se montrer insuffisante. Ce besoin de performance n’est plus un moteur, mais une condition pour s’autoriser à exister. Ce n’est pas le désir de réussir qui guide, mais la peur de ne pas en faire assez.
La performance comme garantie d’amour
Pour celles qui ont grandi dans un environnement où la valeur personnelle dépendait des résultats, des comportements ajustés ou des attentes implicites, la réussite professionnelle devient une manière de maintenir le lien. L’erreur est perçue non comme un apprentissage, mais comme une faute qui met en péril l’appartenance. Le perfectionnisme n’est pas une ambition, c’est un système de défense. Il permet d’éviter le jugement, la critique ou l’abandon. Il devient difficile de se relâcher, de déléguer, ou même d’être satisfaite de soi. Tout doit être contrôlé, anticipé, corrigé.
Exemple : Chloé, irréprochable mais anxieuse
Chloé, 31 ans, est chargée de mission dans une structure publique. Très appréciée, elle est connue pour son sérieux, sa rigueur, sa disponibilité. Mais elle avoue qu’elle dort mal, qu’elle pense constamment à ce qu’elle a oublié ou pourrait mieux faire. En thérapie, elle évoque une mère exigeante et souvent déçue, pour qui “on n’en faisait jamais assez”. Chloé a intégré que son droit à l’amour passait par une perfection sans faille. Son image professionnelle est devenue une armure, mais aussi une prison. Elle craint que relâcher la pression ne la rende immédiatement critiquable ou remplaçable.
L’impossibilité de se reposer
À long terme, cette quête d’excellence constante épuise. Elle fragilise l’estime de soi, rend toute réussite insuffisante, et empêche de savourer le présent. Le besoin de bien faire se transforme en impossibilité de faire “assez”, ce qui alimente un cycle de doute et de surmenage. Même les compliments ne suffisent plus à apaiser l’angoisse, car ils sont immédiatement relativisés. Le travail devient alors une scène d’épreuve permanente, où le sujet doit sans cesse prouver qu’il mérite sa place. Ce qui était censé valoriser devient une charge invisible.
Se désidentifier de l’image
Sortir de cette logique ne signifie pas renoncer à la qualité, mais apprendre à distinguer son être de son faire. Reconnaître que l’on peut être aimée sans être irréprochable est une étape difficile, mais essentielle. Cela passe souvent par l’acceptation de l’imperfection, par la parole partagée autour du doute, de l’erreur, du droit à l’échec. Moins on a besoin de prouver, plus on peut s’autoriser à agir depuis un espace plus apaisé. Le travail n’est alors plus un test d’existence, mais un lieu d’engagement, où l’on peut être présente, même sans être parfaite.