Psychologie

Dans de nombreuses équipes, on trouve une ou plusieurs personnes qui œuvrent constamment pour maintenir une bonne entente. Elles désamorcent les tensions, reformulent les critiques, relativisent les désaccords, cherchent à apaiser plutôt qu’à diviser. Leur posture peut sembler altruiste, tournée vers le collectif. Mais lorsque ce besoin d’harmonie devient systématique, il peut traduire une peur plus profonde : celle que le conflit fasse éclater la sécurité psychique, celle que la moindre tension réveille une agressivité ressentie comme intolérable. Ce n’est plus la paix qui est recherchée, mais l’évitement d’un chaos redouté.

Une posture de médiation apprise très tôt

Certaines personnes ont grandi dans des contextes familiaux tendus ou imprévisibles, où elles ont développé très tôt une capacité à anticiper les conflits. Leur présence silencieuse, rassurante, flexible, permettait souvent d’apaiser l’ambiance, de limiter les dérapages. Ce rôle n’était pas choisi, mais adopté comme stratégie de survie affective. À l’âge adulte, elles transposent ce fonctionnement dans le cadre professionnel. Le collectif devient le nouveau terrain d’équilibre, à maintenir coûte que coûte. Ce n’est pas la bienveillance qui les guide, mais la peur de voir le lien se fissurer au moindre désaccord.

Exemple : Claire, médiatrice malgré elle

Claire, 40 ans, est cheffe de projet dans une entreprise d’ingénierie. Dès qu’un conflit surgit, elle s’interpose, reformule, cherche une solution qui convienne à tous. Elle se sent mal quand deux collègues s’opposent, dort mal après une réunion tendue, et culpabilise si l’ambiance reste crispée. En séance, elle évoque un père colérique et une mère silencieuse. Petite, elle calmait les tensions en se montrant irréprochable. Aujourd’hui, elle ne supporte pas l’idée qu’un lien professionnel puisse être marqué par du conflit, même ponctuel. Le désaccord ne lui semble pas une phase normale, mais une menace pour l’équilibre du groupe… et pour sa propre stabilité.

Quand la paix empêche le lien réel

Vouloir que tout le monde s’entende peut empêcher l’émergence de liens vrais. En neutralisant le conflit, on neutralise aussi la parole différenciée, le positionnement, la subjectivité. Le groupe devient une surface lisse, où chacun est censé rester calme, agréable, sans aspérité. Mais ce cadre suppose un renoncement : celui d’exister pleinement, avec ses contradictions, ses colères, ses désirs opposés. L’harmonie recherchée n’est alors qu’un vernis, maintenu au prix d’une tension silencieuse. Sous cette paix apparente, l’agressivité ne disparaît pas : elle se transforme en retrait, en fatigue, ou en conflits différés.

Accepter la tension comme un lieu d’existence

Sortir de cette logique suppose de reconnaître que le conflit n’est pas une déchirure, mais une forme d’expression. Il ne détruit pas le lien, il le fait évoluer. Apprendre à tolérer le désaccord, à ne pas le prendre pour un danger, permet de construire des relations plus ajustées. Cela demande de déconstruire l’idée que la cohésion se mesure à l’absence de tension. Elle peut aussi se manifester dans la capacité à traverser ensemble des désaccords sans perdre la relation. C’est dans cette traversée que se forge une forme de maturité collective… et personnelle.

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