Psychologie

Certaines personnes n’éprouvent aucune faim particulière au cours de la journée, mais dès qu’elles rentrent chez elles, une envie irrépressible de manger surgit. Cela peut sembler anodin, mais ce geste automatique – se diriger vers le frigo, grignoter sans réfléchir – prend racine dans une logique affective plus profonde. La maison, loin d’être un simple lieu de vie, réactive des dimensions archaïques du lien, du soin, du réconfort. Pourquoi le retour au domicile déclenche-t-il si souvent ce besoin de se remplir ?

Le frigo comme rituel de retour à soi

En franchissant la porte du foyer, certains retrouvent un espace où ils peuvent enfin relâcher les tensions. Ce moment, vécu comme un sas, s’accompagne souvent d’un automatisme alimentaire. Ce n’est pas tant la faim qui guide le geste que la nécessité de retisser un lien intérieur. Le frigo devient une sorte d’objet de transition : il contient quelque chose de rassurant, d’immédiat, de chaud ou de sucré. Le simple fait de manger dans cet espace protégé symbolise un retour à soi, une réassurance silencieuse face aux agressions ou à l’exposition du monde extérieur.

Exemple : Léa, 15 ans, et la tartine refuge

Léa, 15 ans, rentre chaque jour du lycée vers 17h. Elle ouvre la porte, pose son sac, et sans réfléchir, se prépare une tartine de pâte à tartiner. “Je n’ai pas forcément faim, mais je me sens bien quand je mange ça. Ça me calme”, dit-elle. Ce geste n’est pas simplement une habitude. Il marque une transition affective : celle d’un retour dans un lieu où elle peut cesser d’être performante, attentive, intégrée. La tartine vient combler un vide flou, une tension accumulée, parfois imperceptible. Elle lui donne une sensation de présence, comme si elle s’accordait le droit d’exister à nouveau.

La maison comme scène régressive silencieuse

Le domicile familial agit comme un lieu de réactivation d’expériences précoces. Dans l’espace scolaire, la tension est permanente : pression scolaire, regard des autres, injonctions sociales. Le retour à la maison rouvre un espace de régression où l’on peut retrouver, inconsciemment, les traces d’un soin maternel ancien. Manger devient alors un geste de régression douce, un moyen de redevenir un peu plus petite, un peu plus contenue. Ce n’est pas de l’appétit, c’est un appel au lien, à la chaleur, à l’enveloppement symbolique qu’offre parfois la nourriture.

La faim émotionnelle comme signal non verbal

Chez l’adolescente, cette faim qui surgit au seuil de la maison n’est pas un signe pathologique, mais un langage émotionnel. Elle dit une fatigue de l’ajustement social, un besoin d’enveloppe, une quête de régulation. Ce que l’école exige en termes de contenance, le foyer doit le digérer. La nourriture devient alors une médiation, un premier soin. Elle précède parfois la parole, la pensée, l’apaisement. Ce geste peut passer inaperçu, mais il est profondément révélateur d’un équilibre fragile entre le dedans et le dehors.

Accueillir le geste sans l’enfermer

Il ne s’agit pas de supprimer la tartine du retour, ni de culpabiliser ce geste. Mais de comprendre ce qu’il vient dire, et peut-être d’ouvrir un espace pour d’autres formes de retour à soi. Offrir à Léa des temps d’atterrissage doux, sans injonction immédiate, ou simplement lui permettre de nommer ce qu’elle ressent en rentrant, c’est déjà l’aider à transformer son rapport à cette faim. Le frigo peut rester un repère, mais ne plus être l’unique réponse au besoin d’apaisement.

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