Psychologie

Certaines douleurs ne cessent jamais vraiment. Elles errent dans le corps, changent de forme, résistent aux traitements. Elles sont trop légères pour alerter, mais trop présentes pour être ignorées. Pour ces douleurs diffuses, persistantes, insaisissables, le langage médical peine à offrir une explication satisfaisante. Et si, derrière ces tensions sans cause apparente, se logeait ce qui n’a jamais été dit, pensé, reconnu ?

Un trop-plein silencieux

Le corps ne parle pas avec des mots, mais il en garde les effets. Les émotions contenues, les conflits intérieurs refoulés, les désirs étouffés ne disparaissent pas dans le néant. Ils prennent parfois corps, dans des crispations, des raideurs, une fatigue sourde. Ce qui ne peut être nommé se déplace. Ce qu’on ne peut pas formuler reste coincé entre les muscles, logé dans la mâchoire, les trapèzes, le ventre. La douleur devient alors un langage alternatif, un appel muet.

L’exemple de Claire, tendue sans raison

Claire, 39 ans, sent une tension permanente dans les épaules, sans cause identifiable. Les examens sont normaux. Le kinésithérapeute soulage, mais la tension revient. Lorsqu’elle entame une thérapie, elle réalise que ce haut du corps crispé correspond à sa posture de “tenir bon” pour tout le monde. Elle ne se plaint jamais, elle gère. Mais son corps, lui, porte ce qu’elle tait. Le symptôme ne dit pas autre chose : il traduit ce que la parole n’ose pas exprimer, dans une fidélité corporelle bouleversante.

La fonction protectrice du symptôme

Ces douleurs ne sont pas des ennemies. Elles sont souvent la seule manière que le corps a trouvée pour éviter un effondrement plus radical. En gardant l’émotion figée dans le corps, l’esprit évite d’en être submergé. Mais à long terme, ce compromis devient coûteux. Les tensions s’installent, le corps fatigue. Il ne s’agit pas de “psychologiser” la douleur, mais d’en reconnaître la logique : celle d’un silence protecteur qui devient peu à peu un enfermement.

Quand le corps devient le porteur d’une histoire tue

La douleur diffuse est rarement arbitraire. Elle survient là où quelque chose, dans l’histoire du sujet, a été trop longtemps contenu. Ce peut être une colère rentrée, une tristesse jamais pleurée, une peur qui n’a pas trouvé de nom. Le symptôme corporel est alors la trace vivante d’un événement psychique qui n’a pas pu advenir comme tel. Il reste à l’état de tension. L’écouter, ce n’est pas le réduire à une cause unique, mais lui ouvrir un espace de signification.

Redonner un lieu à ce qui n’a pas eu de mots

Mettre des mots sur la douleur ne la fait pas disparaître immédiatement. Mais cela permet de déplacer la charge : du corps vers la pensée, du muscle vers la parole. C’est parfois par le soin, parfois par la thérapie, parfois par une mise en récit personnelle que ce transfert peut se produire. Alors, la douleur cesse peu à peu d’être un mystère opaque pour devenir un fragment de soi enfin reconnu.

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