Psychologie

Le cabinet médical, en apparence neutre, est souvent le théâtre de mouvements psychiques plus complexes qu’il n’y paraît. À travers le simple acte de consulter, certains patients rejouent, sans le savoir, des liens anciens, des attentes affectives, des blessures non digérées. Le médecin, malgré lui, devient une figure d’investissement émotionnel, parfois chargée d’espoir, parfois de crainte. Ce que le patient projette, c’est souvent bien plus qu’une demande de soin.

Le médecin comme figure transférentielle

La posture du médecin – écouteur, prescripteur, détenteur d’un savoir et garant d’un cadre – active des représentations inconscientes puissantes. Il peut être perçu comme un parent idéal, un sauveur, un juge ou un maître. Le patient ne s’adresse pas seulement à un professionnel : il parle aussi à celui ou celle qu’il investit d’un pouvoir symbolique. Ce déplacement, appelé transfert, ne concerne pas uniquement la psychanalyse. Il colore toute relation asymétrique où le sujet cherche à être entendu, reconnu, réparé.

L’exemple de François, 39 ans, et l’attente d’un sauvetage

François multiplie les consultations pour des douleurs diffuses. Il change souvent de médecin, se dit déçu, incompris. Quand il trouve enfin un généraliste qui le reçoit longuement, il commence à exprimer une forme d’attente absolue : “Vous seul pouvez m’aider.” Progressivement, il s’irrite que son médecin ne trouve pas de solution miracle. La déception devient colère, comme si une trahison avait eu lieu. Ce qu’il rejoue là, c’est l’attente d’un parent disponible, omniscient, et la blessure ancienne d’une réponse absente. Le médecin devient le dépositaire d’un drame affectif antérieur.

Le transfert, une demande affective déplacée

Dans la relation médecin-patient, le transfert n’est pas un problème en soi. Il témoigne d’un besoin d’être reconnu dans sa vulnérabilité, d’être pris en charge au-delà du symptôme. Ce qui peut poser difficulté, c’est l’intensité de l’investissement, ou le refus inconscient d’entendre la limite de ce que le médecin peut offrir. Certains patients ne consultent pas pour guérir, mais pour revivre une scène ancienne, espérant en modifier l’issue. D’autres fuient le lien dès qu’il devient stable, rejouant un abandon redouté.

Une scène à entendre, pas à corriger

Le rôle du médecin n’est pas de jouer le psychanalyste. Mais reconnaître que la plainte peut être portée par une histoire ancienne permet parfois de mieux comprendre la récurrence, l’insatisfaction ou l’exigence. Derrière un symptôme, il y a parfois une adresse implicite : “Sois là pour moi comme on ne l’a jamais été.” Entendre cela ne signifie pas répondre à la demande, mais lui donner une existence. Et cela suffit parfois à déplacer le scénario.

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