Le coach comme figure parentale : entre idéalisation et dépendance

Dans la relation de coaching, une dynamique subtile se met souvent en place. Derrière l’accompagnement bienveillant, l’écoute active et le soutien stratégique, peut se jouer une forme de transfert affectif, où le coach est investi bien au-delà de sa fonction. Pour certains accompagnés, il devient un repère, un modèle, une figure de confiance absolue. Mais cette idéalisation peut, sans en avoir l’air, entraver le processus d’autonomisation.
Le besoin d’être reconnu dans un regard
La posture du coach — accueillant, non jugeant, structurant — active chez de nombreux clients un besoin ancien de validation. Être entendu, encouragé, compris sans condition, réveille un manque parfois profondément enraciné. Le coach devient alors le parent qu’on n’a pas eu, ou celui qu’on aurait voulu avoir : présent, fiable, soutenant. Cette projection peut créer un lien très fort, mais aussi un attachement implicite, qui dépasse le cadre contractuel.
De la guidance à la dépendance
Si le coach n’a pas conscience de cette idéalisation, il peut y répondre malgré lui, en devenant celui qui sait, qui éclaire, qui rassure. Le risque est alors de renforcer une dépendance affective : le client consulte, mais ne décide plus seul. Il attend la validation, le feu vert, l’interprétation. Le coaching cesse alors d’être un espace de mise en mouvement pour devenir un lieu de recherche d’approbation. Le processus, au lieu d’émanciper, retient.
L’exemple de Marc, 46 ans
En reconversion professionnelle après un burn-out, Marc entame un coaching. Rapidement, il se sent soutenu comme jamais. Il dit de son coach : “Il me comprend mieux que quiconque.” Les premières séances sont très productives. Mais au bout de quelques mois, Marc ne prend plus d’initiative sans en parler. Il hésite, doute, retarde certaines décisions. En supervision, son coach perçoit qu’il est devenu une figure de sécurité, un substitut parental face à un Marc en quête d’autorisation. La relation, bien que bienveillante, a glissé vers un lien d’attachement asymétrique.
L’idéalisation comme défense
Idéaliser son coach permet aussi de se défendre contre la peur d’être seul, de ne pas savoir, de se tromper. Le coach devient un garant. Cette posture peut convenir dans un premier temps, notamment en période de fragilité, mais elle empêche à terme la consolidation d’un moi capable de choisir, d’agir, de créer sa propre pensée. Le coach n’a pas à briser cette illusion, mais à en prendre acte pour accompagner un retrait progressif des projections.
Restaurer une juste distance
Un coaching réellement aidant est celui qui permet de transférer… puis de dés-idéaliser. Cela suppose que le coach accepte de ne pas plaire, de ne pas toujours être suivi, de ne pas être une figure refuge. Il peut alors redevenir un appui ponctuel, et non un substitut relationnel. C’est dans ce mouvement de reprise de la parole et du choix que le client retrouve sa place — non plus comme enfant aidé, mais comme sujet pensant.