L’examen clinique : quand se faire toucher demande de s’abandonner

L’examen médical est souvent perçu comme un acte technique, routinier. Palper, ausculter, observer, mesurer. Pourtant, ce moment soulève parfois une gêne diffuse, une crispation, voire une résistance. Se laisser toucher, même dans un cadre professionnel, suppose une forme d’abandon, un lâcher-prise qui n’est pas toujours accessible. Derrière le geste clinique se rejouent des tensions profondes entre pudeur, confiance et mémoire corporelle.
Un corps exposé, mais pas toujours habité
Lorsqu’on se dénude partiellement pour un examen, le corps devient objet de regard et de geste. Il est observé, manipulé, mais aussi, dans une certaine mesure, offert. Et cette exposition contrôlée peut réactiver des émotions enfouies : honte, infantilisation, sentiment d’intrusion. Le cadre médical n’annule pas la charge symbolique du contact. Il la filtre, la contient. Mais le patient, selon son histoire, peut vivre ce moment comme une épreuve plus intime qu’il n’y paraît.
L’exemple d’Élise, 36 ans, et la crispation silencieuse
Élise consulte pour des douleurs thoraciques. Lors de l’auscultation, elle se raidit, sans que le médecin ne semble le remarquer. Elle se sent envahie, malgré la bienveillance du praticien. Ce n’est qu’en en parlant qu’elle identifie ce ressenti ancien de devoir “supporter” un contact non désiré sans broncher. L’examen n’est pas fautif, mais il ravive une mémoire corporelle. Le soin physique touche à l’histoire affective, parfois malgré les précautions du cadre.
Le soin comme geste symbolique
L’examen clinique, par son toucher, peut réveiller des enjeux de confiance et de contrôle. Se laisser toucher, même brièvement, suppose de ne pas se défendre. Or pour certains, cela implique de renoncer à une carapace forgée depuis longtemps. La peur d’être jugé, de ne pas être “normal”, de ne pas contrôler son corps dans ce moment d’examen est souvent présente, même si elle ne se dit pas. Ce qui est en jeu n’est pas seulement médical, mais identitaire.
Restaurer la sécurité corporelle
Ce que le patient attend, souvent inconsciemment, ce n’est pas seulement de la compétence, mais une manière d’être touché qui restaure plutôt que d’envahir. Le médecin n’a pas à deviner les vécus enfouis, mais sa posture – lenteur, parole, regard, non-verbal – peut moduler cette expérience. Le corps n’oublie pas ce qui l’a un jour traversé. Mais il peut réapprendre, parfois, à faire confiance, si le cadre est suffisamment contenant.