Maison silencieuse ou fond sonore permanent : que cherche-t-on à éviter ?

Certaines personnes ne peuvent vivre sans musique de fond, sans radio allumée, sans télévision en bruit d’ambiance. D’autres, au contraire, ne supportent aucune perturbation sonore dans leur intérieur. Si ces préférences semblent relever du simple confort personnel, elles témoignent parfois d’un rapport plus profond à la présence, à la pensée, et surtout au silence. Ce n’est pas le son ou son absence qui pose problème, mais ce qu’ils permettent — ou empêchent — de percevoir en soi. Le silence comme le bruit peuvent devenir des stratégies d’évitement.
Le bruit de fond comme défense contre l’émergence intérieure
Chez ceux qui ont besoin de bruit constant, l’ambiance sonore devient un rempart contre une forme de surgissement intérieur. L’activation sonore empêche la solitude pleine, la pensée flottante, l’angoisse existentielle de s’imposer. Ce n’est pas une question de goût, mais de régulation : le fond sonore remplit un vide, canalise l’attention, évite le risque d’affrontement avec des pensées envahissantes ou des souvenirs douloureux. Le bruit, dans ce cas, devient un écran qui permet de rester fonctionnel, sans être traversé.
Exemple concret : habiter le bruit pour ne pas se sentir seule
Céline, 35 ans, allume systématiquement une série dès qu’elle rentre chez elle, même si elle ne la regarde pas. Elle parle d’un besoin de « compagnie ». Mais en séance, elle reconnaît qu’elle ne supporte pas le silence : « Dès que c’est calme, je pense trop. » Ce bruit continu, qu’elle croyait apaisant, l’aide en réalité à maintenir à distance une forme de tristesse sourde qu’elle n’ose pas affronter. Le silence, pour elle, n’est pas reposant, mais menaçant. Le son empêche de ressentir ce qui, sans lui, affleurerait.
À l’inverse, un silence total peut être un contrôle rigide
À l’opposé, certains imposent un silence strict à leur environnement. Le moindre bruit parasite devient insupportable, comme s’il risquait de faire éclater un équilibre fragile. Ce besoin de silence absolu n’est pas toujours synonyme de calme : il peut traduire une nécessité de maîtrise, un refus de toute intrusion, voire une hypersensibilité émotionnelle. Là encore, ce n’est pas le silence en soi qui est recherché, mais une étanchéité au monde, une tentative de préserver une bulle intérieure mise en péril par le moindre frottement sonore.
Revenir à une écoute vivante plutôt que défensive
Il ne s’agit pas de juger ces préférences, mais de les interroger : que cherche-t-on à éviter ou à contenir par le silence ou le son ? Céline, en apprenant à tolérer quelques minutes de silence, découvre qu’elle peut écouter ses pensées sans s’effondrer. Elle commence à habiter son intérieur, non plus par le remplissage, mais par une présence réelle. Le son, dès lors, devient un choix, non une compulsion. Et le silence, une respiration possible, plutôt qu’un abîme. Entre les deux, se dessine un espace plus habité, plus libre.