Psychologie

Face à une détresse intérieure, une pensée qui se fige, une tristesse sans nom, le corps peut devenir un rempart discret contre l’effondrement. Dans certaines périodes de déréalisation ou de vide affectif, l’élan physique précède souvent l’élan psychique. Bouger, sans objectif, sans attente, devient alors une manière de ne pas se dissoudre. Ce n’est pas du sport, ce n’est pas une performance : c’est un mouvement pour habiter encore un peu son existence.

Le corps comme point de contact avec soi

La marche, la nage, les gestes simples mobilisent un lien sensoriel à soi. Ce sont des mouvements réguliers, souples, autonomes. Ils ne demandent pas d’exploit, seulement une présence continue. Dans des moments de crise, où les mots manquent, le rythme du corps peut tenir lieu de contour psychique. Il structure le temps, contient le débordement, soutient une cohésion minimale du sujet. Le mouvement devient alors un enveloppement subtil, une manière de se maintenir en vie sans passer par la pensée.

Bouger pour ne pas sombrer

Quand l’intériorité vacille, la pensée se disloque ou s’épuise. L’acte de bouger protège du repli total. C’est un acte primaire, archaïque, mais profondément symbolique. Il réinstalle le sujet dans un espace, une durée, une limite. On ne va nulle part, mais on avance. Ce paradoxe – avancer sans destination – suffit parfois à éviter la chute libre. C’est un mouvement minimal, mais vital.

L’exemple de Lætitia, 39 ans

Après une rupture douloureuse et plusieurs semaines d’insomnie, Lætitia se sentait dissociée d’elle-même. Elle n’avait plus de pensées claires, plus d’envie, plus de repères. Un matin, sans but précis, elle est sortie marcher. D’abord quelques minutes, puis une heure, puis chaque jour. Elle ne cherchait rien à comprendre, seulement à sentir ses jambes bouger, l’air sur son visage. Elle raconte qu’elle ne pensait à rien, mais qu’après chaque marche, “elle était un peu moins absente”. Cette mobilité physique l’a précédée : son corps a tenu pour elle, avant que sa psyché ne puisse revenir.

Le rythme corporel contre le chaos psychique

Le mouvement doux, répété, engage un rythme. Et le rythme contient. Il est différent de l’agitation ou de la fuite en avant. Il ne cherche pas à oublier, mais à border ce qui menace de se désagréger. En cela, les activités physiques simples (marche, nage, danse lente) ont une fonction de réparation silencieuse. Elles ne “soignent” pas directement, mais elles maintiennent le lien. Elles évitent la rupture. Elles donnent forme à l’indéfini.

Marcher pour rester vivant

Il ne s’agit pas de faire du mouvement un devoir de santé. Mais de reconnaître en lui une fonction psychique essentielle, souvent méconnue. Dans certaines périodes, marcher ou nager n’est pas un loisir — c’est une ligne de vie. Ce geste corporel peut accueillir ce que la parole n’arrive pas encore à dire. Il inscrit dans l’espace une volonté faible, mais présente : celle de ne pas disparaître. Et parfois, c’est ce mouvement-là qui, lentement, ouvre la voie à une remontée plus profonde.

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