Mieux-être : pourquoi aller bien peut aussi déstabiliser

On imagine souvent que se sentir mieux apporte un soulagement immédiat. Et pourtant, chez certaines personnes, le mieux-être suscite de l’inconfort, voire une forme d’angoisse. Aller bien quand on a longtemps souffert ne va pas toujours de soi. Cela peut déranger les repères, réveiller une forme d’inquiétude ou même faire surgir une sensation d’étrangeté face à soi-même. Car s’apaiser, c’est parfois perdre un mode d’existence familier, même s’il était douloureux.
Perdre son identité souffrante
Pour beaucoup, la souffrance a été plus qu’un état passager : elle est devenue une manière d’être au monde. Elle a structuré les relations, forgé des stratégies de survie, servi de justification ou de protection. Quand elle s’atténue, ce n’est pas seulement le mal-être qui s’efface, mais un pan entier de l’identité. Aller mieux peut alors laisser un vide, un flottement identitaire. Qui suis-je sans ma colère, sans mon anxiété, sans ma lutte quotidienne ? Cette désorientation est normale : elle signe la nécessité de se redéfinir autrement.
Le calme comme espace inconnu
Le silence intérieur, après des années de tumulte mental, peut désarçonner. Là où l’esprit était envahi, il y a désormais du vide, du calme. Ce calme, loin d’être immédiatement rassurant, peut faire peur. Il évoque une perte de vigilance, une absence de contrôle, voire une forme de vulnérabilité nouvelle. On s’attendait à ce que l’apaisement soulage, pas qu’il inquiète. Mais quand le bruit mental servait de rempart, sa disparition laisse à nu une autre profondeur, qu’il faut apprivoiser lentement.
L’exemple d’Isabelle, 46 ans
Isabelle a connu plusieurs épisodes dépressifs et une anxiété quasi permanente depuis l’adolescence. Après un travail thérapeutique long, elle commence à ressentir, pour la première fois, une forme de stabilité intérieure. Mais ce mieux-être l’inquiète. Elle dit avoir l’impression d’être « vide », comme si quelque chose avait disparu. En réalité, c’est sa zone d’alerte interne qui s’est éteinte. Ne plus être dans l’alerte permanente lui demande d’apprendre une autre forme de présence à soi. Elle découvre qu’elle peut exister sans tension, mais ce chemin vers la confiance est encore à construire.
Tolérer l’apaisement
Aller bien demande aussi un apprentissage. Il ne suffit pas que les symptômes disparaissent pour que le sujet se sente immédiatement en sécurité. Il faut du temps pour s’habituer à une existence plus fluide, pour ne pas s’inquiéter du silence, pour accueillir la légèreté sans la soupçonner. Le mieux-être n’est pas une fin, mais une traversée. Il oblige à reconfigurer sa posture face au monde, à s’ouvrir à des formes de lien et de plaisir qui n’ont pas encore été intégrées. Et cela, aussi paradoxal que cela puisse paraître, peut faire vaciller.