Pourquoi certaines personnes ne supportent pas le désordre ?

Certaines personnes ont un rapport quasi viscéral à l’ordre : une table encombrée, un lit défait, un objet déplacé suffisent à générer un malaise difficile à formuler. Ce qui semble relever de la simple préférence esthétique ou organisationnelle peut, dans certains cas, cacher une tension psychique plus profonde, une nécessité de maîtrise face à une angoisse de débordement intérieur. Le désordre n’est pas qu’un trouble visuel : il active une peur, souvent ancienne, d’un chaos latent que seul l’ordre visible permet de contenir.
L’ordre comme barrière contre l’angoisse informulée
Lorsque l’environnement est rigoureusement organisé, il devient le prolongement d’un moi qui tente de se tenir. L’ordre extérieur rassure, car il reflète une structure, une cohérence que l’on cherche à préserver à tout prix. À l’inverse, le désordre trouble cette illusion de maîtrise. Il rappelle l’instabilité, la discontinuité, la perte de repères. L’espace devient alors un écran sur lequel se projettent les tensions internes. Le rangement, les gestes répétitifs, l’anticipation du moindre détail ne sont plus des habitudes neutres, mais des défenses contre une désorganisation redoutée.
Exemple concret : ne pas supporter le moindre écart à la structure posée
Claire, 38 ans, vit seule et consacre chaque matin du temps au rangement méthodique de son appartement. Si un coussin est déplacé ou un tiroir mal fermé, elle se sent rapidement envahie par une sensation de nervosité. « Je me sens oppressée », dit-elle. En séance, elle évoque une enfance dans un climat familial instable, où l’imprévu était associé à la peur. Pour Claire, l’ordre est devenu une manière de garder une forme de maîtrise là où autrefois régnait l’insécurité. Ce n’est pas le désordre en soi qu’elle craint, mais ce qu’il risque de réveiller en elle.
Le désordre vécu comme une faille, non comme une simple contrainte
Le problème ne réside pas dans l’amour de l’ordre, mais dans l’intensité de la réaction que provoque sa rupture. Lorsque la tolérance au désordre est nulle, cela peut indiquer une dépendance au contrôle comme seul garant d’une stabilité psychique. Ce fonctionnement crée un espace apparemment serein, mais parfois rigide, difficile à partager, et épuisant à maintenir. Il empêche aussi l’expérience de la souplesse, du vivant, du mouvement. Le lieu de vie devient une scène figée, moins habitée que maintenue sous tension.
Vers une cohabitation possible avec l’imperfection
Apprendre à vivre avec un peu de désordre n’est pas céder au chaos, mais accepter que tout ne peut ni ne doit être maîtrisé pour exister. Claire, en s’autorisant progressivement à laisser certains objets hors de leur place, découvre qu’elle ne s’effondre pas. Elle commence à différencier ce qui relève du soin de soi de ce qui était une réponse défensive à une insécurité plus ancienne. Ce déplacement n’abolit pas son goût pour l’ordre, mais le rend moins vital, moins chargé. C’est dans cette souplesse retrouvée que peut émerger un sentiment d’habiter vraiment son espace — et soi-même.