Pourquoi certaines personnes ne supportent pas l’inactivité ?

Certaines personnes peinent à rester sans rien faire. Même une heure libre semble de trop. Elles remplissent, organisent, s’activent — comme si chaque minute devait justifier son existence. Cette intolérance à l’inactivité ne relève pas toujours d’un simple goût du dynamisme : elle révèle souvent un rapport défensif au vide, un évitement actif d’une angoisse sous-jacente. L’arrêt, pour ces sujets, n’est pas du repos : c’est un danger.
Le vide comme lieu menaçant
L’inactivité confronte à l’absence : d’objectif, de fonction, de direction. Ce que l’on appelle « temps libre » peut devenir, pour certains, un espace de dérèglement intérieur. Sans structure extérieure, des pensées enfouies, des affects refoulés remontent. Le vide, ce n’est pas le calme : c’est ce qui déborde en l’absence de canal. Dès lors, rester sans rien faire n’ouvre pas à soi, mais expose à ce que l’on évite d’habiter.
L’agitation comme couverture
Remplir son emploi du temps, s’imposer des tâches, s’activer sans relâche peut apparaître comme une forme d’énergie. Mais cette énergie est parfois défensive : elle évite le contact avec un vécu douloureux. Le sujet ne se repose pas, car le repos ouvre la porte à une parole intérieure qu’il craint. Il préfère la tension maîtrisable à la désorientation. Il agit pour ne pas sentir, planifie pour ne pas se perdre.
L’exemple de Claire, 42 ans
Claire travaille à plein temps, s’occupe de ses enfants, planifie ses soirées et ses week-ends. Chaque fois qu’elle a une heure libre, elle trouve une tâche. Quand elle tombe malade et se retrouve contrainte au repos, elle ressent une panique sourde. Elle décrit une sensation de vide, d’inutilité, presque de menace. En séance, elle comprend que cette agitation a longtemps été une manière d’éviter la tristesse liée à des pertes anciennes. Le mouvement l’a protégée, mais l’a aussi tenue à distance d’elle-même.
Un symptôme de contrôle intérieur
L’intolérance à l’inactivité révèle souvent un besoin de maîtrise, face à une angoisse de désorganisation. Le sujet a appris, souvent très tôt, que l’action prévenait l’effondrement. Il s’y est accroché, parfois au prix d’un épuisement. Il ne sait plus ce qu’il veut : il sait seulement qu’il faut continuer. Le repos devient menaçant, car il suppose une confiance dans la capacité à contenir ce qui surgira — confiance souvent absente.
Apprivoiser le rien
Il ne s’agit pas de forcer ces sujets à « ralentir », mais de leur permettre d’apprivoiser l’arrêt comme espace habitable. Cela passe par des temps très courts, des micro-pauses non productives, mais choisies. Le vide ne doit pas être affronté, mais exploré en sécurité. Ce n’est qu’à ce prix que l’inactivité cesse d’être une menace et devient un lieu possible de retour à soi. Non plus un arrêt forcé, mais une respiration.