Psychologie

Il y a des individus qui tiennent toute la semaine, font face aux urgences, gèrent les réunions, assurent les trajets, résolvent les problèmes. Puis, vient le vendredi soir, et tout bascule. Maux de tête, fatigue intense, larmes, besoin de dormir des heures ou de s’isoler. Loin de représenter un moment de plaisir, le week-end devient un temps d’effondrement. Ce phénomène, bien plus fréquent qu’il n’y paraît, mérite une exploration psychique : que se passe-t-il lorsqu’on s’écroule précisément au moment où l’on pourrait enfin souffler ?

Le repos brutal comme effondrement du maintien

Certaines personnes tiennent la semaine en mobilisant une énergie défensive. Elles fonctionnent en sur-régime, portées par une tension continue qui agit comme une béquille. Cette hyperactivation masque des fragilités sous-jacentes, souvent refoulées. Le week-end, la chute de pression agit comme un révélateur. Ce n’est pas tant le travail qui les épuise que le fait de ne pas pouvoir relâcher sans perdre pied. Le relâchement devient l’effondrement, non parce qu’il est trop court, mais parce qu’il fait tomber un système de défense fondé sur la mobilisation permanente.

La difficulté à tolérer l’oisiveté

Le repos, pour certains, n’est pas perçu comme une ressource mais comme un vide menaçant. Ce vide réveille une angoisse plus ancienne, celle de ne pas exister sans produire, sans servir, sans être utile. Le silence, l’absence de sollicitations, le ralentissement des interactions sociales peuvent devenir insupportables. Le corps, jusque-là tenu, relâche tout à la fois : douleurs, émotions retenues, fatigue refoulée. Il n’y a pas de plaisir du repos, seulement une forme de désintégration temporaire. Ce qui apparaît comme un simple relâchement devient une chute libre.

Exemple : Claire, 44 ans, et l’épuisement du samedi

Claire, 44 ans, travaille dans le secteur hospitalier. Très investie, elle assure sans faillir ses journées et ne montre aucun signe extérieur de faiblesse. Mais chaque samedi matin, la même scène se répète : douleurs musculaires, crises de larmes, repli au lit. Elle dit souvent qu’elle “ne comprend pas pourquoi ça tombe toujours le week-end”, alors même qu’elle l’attendait. En réalité, la tension accumulée pendant la semaine, ajoutée à l’impossibilité psychique de se relâcher progressivement, fait du samedi un moment de rupture violente. Ce n’est qu’au prix de ce passage douloureux qu’elle parvient à récupérer, lentement, le dimanche.

Le repos comme menace pour l’équilibre narcissique

Pour ceux dont la valeur personnelle repose sur la performance, le repos peut réveiller un sentiment d’inutilité. Ce n’est pas seulement le corps qui flanche, c’est l’image de soi qui vacille. Ne rien faire devient ne plus être. Cette difficulté à habiter des temps sans fonction ni objectif révèle une fragilité du narcissisme, souvent héritée d’un environnement où l’amour dépendait du mérite. Se reposer, dès lors, revient à se retirer du lien, à perdre sa place, à redevenir invisible. Le week-end ne devient pas un soulagement, mais une traversée angoissante de la vacuité.

Vers une reconfiguration du rapport au repos

L’effondrement du week-end peut être vu comme un signal, non seulement d’épuisement, mais de déséquilibre dans l’économie psychique. Réapprendre à intégrer des micro-temps de pause dans la semaine, sans culpabilité ni tension, devient un travail de réhabilitation du repos. Il s’agit moins de “télécharger” la fatigue sur deux jours que de se réconcilier avec l’idée qu’on peut exister, pleinement, même sans action ni justification. Ce travail intérieur est lent, mais il ouvre à une nouvelle manière d’habiter ses week-ends, moins comme une chute que comme un retour à soi.

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