Pourquoi certains ont besoin d’un cadre très rigide pour fonctionner ?

Certaines personnes s’imposent une organisation stricte, un emploi du temps millimétré, des rituels immuables. Elles ne supportent ni les imprévus, ni les changements d’horaires, ni les modifications de routine. Ce fonctionnement peut sembler excessif ou rigide vu de l’extérieur. Mais il a souvent une fonction défensive : maintenir une structure interne face à une angoisse plus profonde, liée à la désorganisation ou à la perte de repères.
Le cadre comme enveloppe psychique
Quand le monde intérieur est perçu comme instable, flou ou menaçant, le sujet tente de construire autour de lui une armature externe. Le cadre strict devient une sorte de contenant, une structure de soutien. Ce n’est pas un luxe, ni un caprice : c’est une nécessité psychique. Ce qui est cadré à l’extérieur est plus supportable à l’intérieur. Le planning n’est pas une organisation, mais une ligne de survie.
L’intolérance au flottement
Ce besoin de rigidité témoigne d’une intolérance au flottement. Dès que l’espace devient libre, la pensée déborde, les affects surgissent, le chaos menace. Le vide est perçu non comme un repos, mais comme une mise en danger. Le cadre impose une forme au temps, une forme à la vie, et permet ainsi de contenir ce qui, autrement, risquerait de submerger. La moindre entorse au plan peut provoquer une anxiété intense.
L’exemple de Delphine, 45 ans
Delphine planifie ses journées à la demi-heure près. Elle organise ses repas à l’avance, ses loisirs sont programmés, ses déplacements minutés. Lorsqu’un événement inattendu survient, elle ne s’adapte pas : elle s’effondre. En thérapie, elle découvre qu’enfant, elle a vécu dans un environnement imprévisible et chaotique, sans cadre affectif stable. Le contrôle actuel n’est pas une manie : c’est un rempart. Le cadre strict la protège de cette mémoire de débordement, jamais digérée.
Une illusion de maîtrise, un vrai besoin de stabilité
Le danger de cette rigidité est qu’elle enferme le sujet dans une forme de tension permanente. Le cadre devient un maître, non plus un appui. Mais il serait contre-productif de vouloir le faire tomber brutalement. Car il remplit une fonction stabilisante réelle. L’enjeu thérapeutique est de permettre au sujet de découvrir des formes de régulation plus souples, plus internes, moins dépendantes d’un extérieur contrôlé. Ce passage nécessite du temps, de la sécurité, et un accompagnement contenant.
Trouver du soutien ailleurs que dans le contrôle
Le cadre rigide ne doit pas être diabolisé. Il témoigne souvent d’une grande vulnérabilité intérieure. Mais pour que le sujet puisse s’assouplir, il faut que son environnement relationnel lui propose une autre forme de stabilité : présence fiable, régularité affective, espace de parole. Ce n’est qu’alors que l’on peut desserrer les contraintes, non par effort, mais parce qu’un autre type de soutien devient possible.