Quand le corps protège : la somatisation comme tentative de préservation

Certains symptômes ne sont pas là pour nous nuire. Ils ne sabotent pas nos projets, ne ralentissent pas nos élans par hasard. Ils apparaissent comme des interruptions, mais peuvent en réalité fonctionner comme des gardiens. Et si le corps, en produisant un symptôme, cherchait avant tout à préserver quelque chose de nous ? Dans une perspective psychosomatique, il ne s’agit pas de guérir à tout prix, mais d’écouter ce que le symptôme tente de maintenir en équilibre.
Un mécanisme de survie discret
Douleurs récurrentes, malaises inexpliqués, épuisement soudain : ces manifestations sont souvent vues comme des obstacles à éliminer. Mais dans certaines situations, elles jouent un rôle de régulation psychique. Le symptôme agit comme une barrière protectrice face à une tension qui dépasse nos ressources conscientes. Il ralentit, il force à s’arrêter, il détourne l’attention. Il ne ment pas : il détourne, il protège, il contient. Une sagesse inconsciente s’y exprime, dans le langage du corps.
L’exemple de Marion, 40 ans, et ses crises de fatigue
Marion, toujours active, jongle entre travail, famille, engagements bénévoles. Depuis plusieurs mois, elle subit des épisodes de fatigue intense. Aucun trouble médical n’est identifié. C’est en discutant avec une amie qu’elle réalise que ces arrêts forcés arrivent chaque fois qu’elle néglige ses besoins personnels. Son corps la freine quand elle-même ne sait plus le faire. Elle comprend que son symptôme agit comme un signal d’alarme. Ce n’est pas une punition, mais un rappel à elle-même.
Une forme de langage sans mots
Le symptôme survient souvent là où le langage s’est absenté. C’est une parole autre, corporelle, immédiate, sans détour. Il faut parfois du temps pour comprendre ce qu’il essaie de dire, mais il est rarement aléatoire. Lorsqu’on l’écoute comme une tentative de préservation – et non comme une faiblesse – une autre voie s’ouvre. Celle d’un dialogue avec soi-même, non plus pour se contrôler, mais pour s’entendre.
Ne pas trahir la fonction du symptôme
Bien sûr, il ne s’agit pas de glorifier la douleur ni de refuser les soins médicaux. Mais avant de supprimer un symptôme, il peut être précieux d’en reconnaître la fonction. Que tente-t-il de préserver ? De quoi nous protège-t-il ? Ce geste d’attention transforme l’expérience. La guérison ne passe pas toujours par l’élimination. Elle passe aussi par la compréhension de ce que le symptôme maintenait à distance, et qui peut maintenant être abordé autrement.
Une sagesse à réintégrer
Le corps ne nous trahit pas. Il invente parfois, en silence, une solution là où notre conscience n’en trouve plus. Reconnue dans sa fonction protectrice, la somatisation perd son étrangeté. Elle devient une alliée paradoxale : un signal, un ralentissement, une invitation. Et quand cette sagesse corporelle est entendue, elle n’a plus besoin de se faire douleur pour exister.