Psychologie

Derrière le succès croissant du coaching individuel se dessine une aspiration contemporaine bien particulière : devenir la meilleure version de soi-même. S’améliorer, progresser, gagner en efficacité, en visibilité, en sérénité… La promesse semble séduisante. Mais cette logique d’optimisation, lorsqu’elle devient un impératif intérieur, peut glisser vers un piège psychique. Car vouloir aller toujours mieux, c’est parfois oublier d’entendre ce qui, en soi, ne veut plus suivre.

L’amélioration comme injonction silencieuse

Le langage du coaching est souvent celui du potentiel, de l’évolution, de la performance personnelle. Il pousse à dépasser ses limites, à sortir de sa zone de confort, à viser des objectifs clairs. Mais ce vocabulaire masque une contrainte intériorisée : celle de devoir se transformer sans cesse. Ce n’est plus une envie, mais une obligation douce. Le repos, la stagnation, le doute deviennent suspects. Celui qui ralentit est perçu comme “non aligné”, “pas encore prêt”, ou “en résistance”. Une pression s’installe, sous couvert de développement personnel.

La confusion entre croissance et conformité

Optimiser ne signifie pas toujours devenir plus soi. Souvent, cela revient à se rapprocher d’un modèle implicite de la personne idéale : autonome, dynamique, émotionnellement régulée. Cette norme est rarement interrogée. Elle devient l’horizon de toute démarche d’accompagnement. Ceux qui s’en écartent trop risquent de se sentir en échec, voire en faute. Le coaching, dans ce cadre, ne révèle pas le sujet : il le formate. Il l’invite à s’adapter à un monde exigeant, plutôt qu’à habiter plus librement sa singularité.

L’exemple d’Aurélie, 38 ans

Consultante en reconversion, Aurélie entame un coaching pour “gagner en clarté et en assertivité”. Très vite, elle entre dans une spirale de perfectionnement : podcast, formation, journaling quotidien. Elle lit, médite, s’analyse, applique. Mais plus elle avance, plus elle se sent épuisée. Elle a l’impression de ne jamais en faire assez, d’être “en retard sur elle-même”. En séance, elle reconnaît que cette dynamique lui rappelle l’attitude de sa mère : exigeante, admirative, mais jamais pleinement satisfaite. Le coaching, sans le vouloir, a ravivé ce scénario d’enfance — celui d’une performance affective permanente.

Le mirage de la toute-puissance intérieure

La logique d’optimisation repose souvent sur une illusion de maîtrise totale : si je travaille assez sur moi, tout finira par aller. Cette croyance évacue les limites, les ambivalences, les zones d’ombre qui font pourtant partie de l’humain. Elle pousse à une forme de déni du réel, et peut devenir culpabilisante : si je souffre encore, c’est que je n’ai pas “fait le bon travail”. L’accompagnement perd alors sa fonction de soutien pour devenir un lieu de pression douce, où l’on poursuit une image idéalisée de soi, sans jamais l’atteindre.

Vers une autre idée de la transformation

Sortir du piège de l’optimisation suppose de renoncer à l’idéal d’une version “améliorée” de soi. Cela ne signifie pas abandonner toute volonté de changement, mais accueillir aussi ce qui résiste, ce qui fléchit, ce qui doute. Un accompagnement véritable ne cherche pas à produire un individu parfait, mais à offrir un espace de parole libre, y compris pour ce qui n’avance pas. Car parfois, c’est dans l’arrêt, la pause ou même l’abandon qu’un mouvement plus profond peut enfin émerger.

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